En Septembre le géant new yorkais des sacs à main « haut-de-gamme mais abordables” Michael Kors a annoncé l’acquisition de la maison italienne Versace pour 1,8 milliard d’euros. Miser sur les fusions/acquisitions est souvent l’une des manières de relancer la croissance.
Les grandes marques de luxe de l’hexagone (LVMH, Kering et Hermès) dont les ingrédients de la réussite sont bien connus, ont inspiré la maison américaine qui désire devenir une marque globale du monde du luxe, après le rachat de Jimmy Choo en 2017. “Nous sommes convaincus que la force des marques Michael Kors et Jimmy Choo, ainsi que l’acquisition de Versace, laisse de belles perspectives de croissance de nos revenus et de nos bénéfices sur les prochaines années » a déclaré le PDG de la marque John D. Idol.. Miser sur les acquisitions est souvent l’une des meilleures manières de relancer la croissance d’une entreprise.
Les fusions & acquisitions, appelées parfois Fusac, mais plus connues sous le sigle américain M&A (merger and acquisitions) sont des opérations techniques de rachat ou d’absorption d’une entreprise par une autre. Ces opérations recouvrent les différents aspects du rachat du capital d’une entreprise, d’une division d’entreprise, voire d’actifs, par une autre entreprise. Avec l’objectif d’améliorer l’avantage compétitif d’une firme grâce à une opération de concentration, ces opérations, dont les caractéristiques et le fonctionnement peuvent être très variables, sont en train de devenir un modèle de succès pour le secteur du luxe. Comment s’explique cette nouvelle tendance ?
Le luxe, un secteur de changement organisationnel
Les tendances du marché du luxe des 15 derniers années montrent une croissance constante du secteur, à l’exception d’une baisse qui correspond à l’éclatement de la crise de 2009 ; baisse qui s’est rapidement stabilisée car la demande des consommateurs du luxe se caractérise par des biens à forte valeur symbolique. Ainsi le pouvoir d’achat est influencé par des facteurs endogènes et exogènes qui ne varient pas selon le besoin effectif du produit. Du côté de l’offre, le marché du luxe a connu une révolution organisationnelle, caractérisée par la naissance des grand groupes “multibrand”. Si on prend l’exemple des acquisitions aux États-Unis, entre 1962 et 2011, nous pouvons remarquer que les opérations de M&A sont des activités volatiles ; elles apparaissent par vague dans la même période et se concentrent sur un nombre très restreint de secteurs ; elles sont souvent stimulées par la déréglementation, par des mutations technologiques et des variations de demande. En revanche, en Europe, le luxe, souvent identifié par “le made in France” ou “ le made in Italy”, suit une culture de fragmentation. Les entreprises du luxe sont détenues par un actionnaire majoritaire (dans le cas Versace, la famille détenait 80% des parts) qui protège la firme de toute tentative de “croissance hostile”. En Italie, la majorité des entreprises continue à suivre ce modèle, mais ces dernières années les groupes multimarques commencent à apparaître. Les maisons restent connues au niveau mondial, mais se plient souvent à des grands groupes en recherche d’une croissance exponentielle avec des opérations de M&A…
M&A, une stratégie de croissance multiforme
Lorsqu’on parle de M&A comme stratégie de croissance, on doit distinguer différentes stratégies d’intégration : l’intégration d’une seule marque et d’un seul produit, l’intégration d’une marque et de plusieurs produits, et l’intégration de plusieurs marques et de plusieurs produits. La dernière stratégie, reposant sur plusieurs catégories de produits, est la stratégie la plus utilisée. Elle concerne les entreprises les plus puissantes, avec une gamme de produits et de marques très variée. C’est le cas de LVMH, Mariella Buriani fashion Group ou Gucci. Cette stratégie d’intégration a un taux de croissance rapide et une rentabilité inférieure à celle des entreprises mono-marques ou spécialisées dans une seule catégorie de produits.
Les avantages des M&A dans le luxe
- Recherche de synergies et création d’économies d’échelles
Le synergy motive est la première raison d’une opération de M&A. : une meilleure performance et une réduction des coûts, grâce à la combinaison de plusieurs activités, résultantes du partage des services fondamentaux comme la gestion des RH, la stratégie de gestion ou la logistique. La meilleure façon pour les M&A d’obtenir des économies d’échelle, est de répartir les coûts fixes sur un volume de production important.
- Diversification
Une entreprise peut chercher via une fusion-acquisition à diversifier son offre et à élargir sa cible tout en restant dans le même domaine. C’est le cas en 2017 d’Essilor avec Luxottica : le mariage du géant de l’optique avec le leader des lunettes haut-de-gamme. Pour Michael Kors, la diversification recherchée dans l’achat de la marque de la méduse, se traduit par une extension de la gamme de produits : les sacs à main Michael Kors coûtent moins de 500 dollars. Ceux de Versace, valent plus du triple.
- Croissance
Pour les deux entreprises, un M&A permet à l’entreprise acquéreuse d’élargir son portefeuille de produits et d’accroître sa capacité de production ; d’autre part l’entreprise qui sera rachetée pourra bénéficier du réseau opérationnel de son acquéreur.
Et pour les investisseurs ?
Le principe financier d’une M&A est simple : le cours de Bourse de l’entreprise acheteuse a tendance à baisser, tandis que celui de l’entreprise cible à tendance à progresser. Dans les deux cas, l’effet sur la rentabilité des entreprises d’une M&A est positif, car les actionnaires des entreprises acquéreuses reçoivent des gains et les actionnaires des entreprises cibles ne souffrent pas des pertes car la société acquéreuse se lance dans un tel projet, c’est parce qu’elle prévoit d’en tirer profit.
Les M&A augmentent la valeur des deux entreprises qui s’unissent pour la simple raison que – indépendamment du chiffre d’affaire- ils anticipent les choix d’acquisition de la concurrence.
Quel futur pour les M&A dans le luxe ?
L’avenir est prometteur pour les M&A. Dans les 3 prochaines années, le taux annuel de Fusion/Acquisition atteindra 5 à 10%. Une étude réalisée par Deloitte a révélé que 89% des PDG de private equity interviewés prévoit d’acheter au moins une firme de luxe cette année. 73% considère le secteur de la mode et des accessoires comme le plus attractif. Le sondage souligne également que l’acquisition d’une firme étrangère est vu comme la meilleure opportunité de croissance.
Le secteur du luxe ne manque de rien (Versace a réalisé un bénéfice net de 15 millions d’euros et un excédent brut d’exploitation de 44,6 millions en 2017), sauf le besoin urgent d’une croissance exponentielle. C’est pour cette raison, que les M&A peuvent être considerés comme un levier pour l’internationalisation.
Rebecca Katerina Gutmann
Sources
Altagamma, Worldwide Luxury Market monitor, 2016.
https://www.lesechos.fr/industrie-services/mode-luxe/0302302085669-avec-versace-michael-kors-ambitionne-de-devenir-une-maison-de-luxe-mondiale-2208257.php
https://www.pambianconews.com/2018/07/09/ma-nel-lusso-5-10-lanno-nel-triennio-240233/
https://www.cafedelabourse.com/archive/article/tirer-parti-fus