L’éthique peut-elle devenir le nouveau paradigme de la finance ?


L’éthique peut-elle devenir le nouveau paradigme de la finance ?

Démarche :

Nous sommes étudiants en école de commerce voulant à la fois travailler dans la finance et donner du sens à notre métier. Or ces deux contraintes nous ont dans un premier temps conduits face à une aporie. Comment concilier finance et quête de sens ?

Nos premières tentatives ont été vites vouées à l’échec car les autres étudiants en finance traitaient avec beaucoup de suffisance une considération qu’ils jugeaient naïve. Mais après quelques recherches en finance comportementale sur les initiatives de certaines entreprises et banques, nous nous sommes rendu compte qu’il y a eu un début de révolution éthique en finance. Et c’est alors naturellement que nous avons souhaité faire cet essai afin de participer à notre échelle à ce changement de paradigme que nous annonçons et espérons. Ainsi c’est bien un article engagé que nous avons produit, mais qui s’appuie néanmoins sur un travail fortement inspiré des sciences humaines et notamment de la philosophe et de la finance comportementale, qui sont les points d’appui de cet essai et plus largement de notre réflexion sur la finance.

Résumé de l’essai :

Il nous semblait d’abord indispensable pour pouvoir avancer notre thèse de faire un constat qui est celui de l’échec du marché financier tel qu’il est aujourd’hui. Cet échec étant donc d’abord un échec de l’offre.

Cet échec de l’offre nous a alors conduit naturellement aux individus, ce qu’ils pensaient de l’éthique, leur rapport à la notion de bénéfice, et quelles valeurs mettaient-ils en avant pour faire leurs choix en économie.

Face à ce double constat en faveur d’une finance plus éthique, nous nous sommes interrogés sur les raisons qui poussent ces entreprises à nier toute pertinence à la notion d’éthique, puis nous avons essayé de montrer pourquoi il était non seulement possible mais nécessaire que les entreprises fassent une part plus importante à l’éthique dans le marché financier.

« Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance », cette phrase de François Hollande prononcée lors d’un meeting au Bourget le 22 janvier 2011, ne venait que symboliser le ressenti que les français avaient vis-à-vis de la finance. Elle est tout particulièrement éclairante car elle met en avant cette diabolisation de la finance qui avait déjà commencé dans les médias et au sein de la société en général. En effet, ce n’est pas la finance qui est remise en cause, mais son monde, un monde de requins, de loups, où l’avidité, l’appât du gain, la maximisation du profit et le mépris de toutes valeurs éthiques, de toute morale règnent en maître.

Afin d’éviter un clivage irréversible entre le monde de la finance et la société qu’elle est censée servir, un changement de paradigme semble s’imposer. Ce changement de paradigme dont l’éthique sera le déterminant essentiel ne fera en réalité que répondre à un besoin éthique rendu incontournable par les excès répétés de la finance.

Si donc d’une part, la finance traditionnelle a longtemps rejeté l’éthique, d’autre part, elle a entraîné une révolte qui a éveillé cette pulsion d’éthique latente chez les individus. Il parait donc judicieux, qu’au fond, ce changement de paradigme qui placera l’éthique au cœur de la finance soit insufflé par les individus eux-mêmes.

  • Les dérives financières, une dérive éthique

I-1- L’esprit du capitalisme contemporain

Le vice est aussi nécessaire dans un État florissant que la faim est nécessaire pour nous obliger à manger. Il est impossible que la vertu seule rende jamais une Nation célèbre et glorieuse.” B. Mandeville

L’esprit du capitaliste contemporain trouve principalement son origine idéologique dans la raison libérale, née au XVIII siècle en Grande Bretagne. En effet, au début du siècle des lumières, Bernard Mandeville publie un livre intitulé « la fable des abeilles ». Dans ce petit récit, il décrit une ruche totalement débarrassée des vices individuels. Le paradoxe est que, composée d’agents exclusivement vertueux la ruche s’appauvrit et périclite. En effet, d’après l’essayiste, « les vices privés font le bien public ». L’appât du gain, l’ambition, la vanité, l’égoïsme, constituent pour lui la condition du dynamisme économique et de la prospérité générale : « les plus grands canailles de toute multitude ont contribué au bien commun ». Cette « ruse de la raison » capitaliste va irriguer la pensée économique libérale d’Adam Smith à Hayek. Cette dialectique a connu son heure de gloire depuis la financiarisation de l’économie* (1980-1990). « Greed is good » est sa devise, proclamée par Michael Douglas dans le film Wall Street d’Olivier Stone. L’avidité, cet amour de l’argent qui constituait pour Thomas d’Aquin l’un des sept péchés capitaux, a été célébré comme moteur fondamental de l’efficacité dans un cadre de compétition capitaliste. Avoir faim était le meilleur moyen de se faire recruter dans une salle de marché. Cette apologie de la cupidité n’est pas étrangère à la dernière crise financière (2007-2008).

I-2 Un système aux antipodes de l’éthique

« Les vices sont moralement condamnables mais économiquement utiles : pour être vicieux moralement, ils n’en sont pas moins économiquement souhaitables, et pour être économiquement souhaitables, ils n’en restent pas moins des vices. La conséquence la plus nette de ce raisonnement, c’est la séparation de l’économie et de la morale comme deux ordres absolument hétérogènes l’un à l’autre ». B. Mandeville

La crise financière qui a frappé le monde à partir de mi-2007 peut être certes, attribuée à l’explosion d’une bulle, phase de réajustement classique des cycles d’une économie capitaliste, mais encore davantage au rejet croissant de toute une série de valeurs éthiques, notamment de transparence et de modération, et à la perte du sens des responsabilités de certaines entreprises.

Dans une économie de marché, les acteurs sont libres de leurs décisions, mais doivent disposer des informations qui peuvent déterminer leurs choix. Cette hypothèse de transparence est l’une des bases de la théorie économique libérale, qui suppose des acteurs rationnels et éclairés. Or, toute l’évolution récente aboutit à accentuer les situations d’asymétrie d’information, théorisées par des économistes comme Joseph Stiglitz ou George Akerlof et Michael Spence, entre ceux qui savent ce qui se passent réellement dans l’entreprise (les banquiers) et ceux (les actionnaires, les épargnants…) auxquels une information souvent trop déformée, voire mensongère, est distillée parcimonieusement. Les tentatives pour perfectionner la transparence à leur égard n’a pas amélioré la situation – qu’il s’agisse de la généralisation de la publication des comptes trimestriels, des engagements de bonne pratique et de bonne gouvernance, des mesures, malheureusement souvent trop formelles, mises en place à la suite de la loi Sarbanes-Oxley aux Etats-Unis ou, en matière comptable, de la généralisation de la fair Value, c’est-à-dire de l’évaluation aux valeurs de marché.

Le manque de transparence sévit aussi quant au contenu même des actifs détenus par les établissements financiers. C’est le cas lors de la fragmentation d’actifs potentiellement « toxiques » en de multiples lignes de crédit remixées plusieurs fois pour former, par voie de titrisation, des fonds de créances, et souvent des fonds de fonds de fonds, dont les détenteurs ne connaissent plus toute la composition (ce qu’on appelle les « sous-jacents ») et ne sont donc plus capables de mesurer les risques.

L’une des raisons de la dérive financière est aussi l’oubli de la modération – que l’on pourrait appeler selon le terme anglo-saxon, rule of reason.

Comme il a été démontré, aucune économie ne peut dégager durablement un rendement réel des activités supérieurs à 5% dans le monde occidental. Or, une course absurde et destructrice à la maximisation de retour sur investissement a abouti à l’exigence d’un ROE (return on equity, « retour sur fonds propre ») au moins égal à 15%, quand ce n’est pas 20 à 25% voire plus. Ces taux de rendements très élevés ont été atteints pendant quelques années par des institutions financières ou même des entreprises, qui menaient des politiques agressives pour tirer le maximum de rendement d’une base de fonds propres trop réduite et conclure un maximum d’opérations – de deals comme le disent les financiers, rappelant fâcheusement les termes du milieu des toxicomanes.

Notre époque a aussi, clairement, manqué de modération dans le niveau de rémunération des dirigeants. Si doué que soit un trader, doit il recevoir des bonus atteignant parfois des dizaines de millions de dollars ?

Le Prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz stigmatise, dans un livre récent, le « triomphe de la cupidité » (2010), expression reprise par Alain Juppé sur son blog, qui y voit « un sentiment aberrant » diffusant un « sentiment d’injustice ».

Voici des chiffres précis : la City de Londres a distribué 8,5 milliards de livres en 2008 à ses petits génies de la finance ; près de 12 milliards d’euros, soit huit fois le coût de la mise en place du RSA (revenu social d’activité), au bénéfice de 600 000 personnes en France. En 2009, Wall Street a attribué à ses traders moitié plus : non moins de 25 milliards de dollars, environ 18 milliards d’euros ! Certains dirigeants de hedge funds ont touché plus d’un milliard de dollars de rémunération personnelle.

Depuis la crise, un certain nombre de mesures ont cependant été prises ou annoncées pour limiter le niveau des avantages consentis sur les rémunérations d’entrée et de départ. Par exemple, en France, il est désormais prévu que les plans d’attribution de stock-options ou d’actions gratuites devront bénéficier à l’ensemble du personnel, et non pas à une poignée de dirigeants. Dans le reste du monde, les législateurs ont imposé des limites à la rémunération des dirigeants, notamment en Allemagne et aux États-Unis. Cependant, les mesures prises n’ont pas permis de mettre un terme aux écarts excessifs de rémunération entre le sommet et la base ; et elles n’ont réussi que partiellement à mieux lier la rémunération aux risques et aux résultats obtenus par les dirigeants.

Face à l’absence de visée éthique en finance, les individus ressentent le besoin de renouer avec cette dernière. On assiste donc, après la mort annoncée du mythe de l’homo-economicus, à la naissance de l’homo-ethicus.

  • L’émergence de l’homo-ethicus

II-1 Crise et révolte (Gilets jaunes, nuit debout, montée des populismes etc.)

« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne renonce pas : c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier mouvement. » Albert Camus

Le changement de paradigme que nous prônons et que nous annonçons dans le même temps, ne peut partir uniquement du marché lui-même, de « La Société », ses racines sont plus modestes et sont d’abord et avant tout humaines. C’est l’homme et non pas la structure qui est à l’origine de ce mouvement, de ce changement de paradigme. De ce que nous proposons d’appeler « révolte », dans l’héritage d’Albert Camus. Pour nous, ce mouvement est révolte car il est contestation, il est refus d’une réalité, prise de conscience d’une « hubris » humaine. Il est le fameux « vous allez trop loin » dont parle Camus. Ce mouvement découle directement de la crise de 2007, qui s’érige comme une limite dépassée, comme si le marché étendait son droit au-delà d’une frontière à partir de laquelle un autre droit lui fait face et le limite. Cette révolte contre le marché qui est naturel chez l’individu et qui a de nombreuses manifestations dans notre époque : la montée du populisme, le mouvement des gilets jaunes. Tous ces mouvements ont en commun un même rejet du système en place, une volonté de réorganiser le monde, et donc le marché financier. La raison est simple, le marché ne répond plus aux attentes des individus, il est vu aujourd’hui comme oppressant par l’homme. Ainsi à une période marquée par un désintérêt important de toute éthique en Finance succède un environnement où elle devient au centre de ce dernier. On peut même aller jusqu’à dire que l’éthique est aujourd’hui un sujet incontournable en économie. Et même si ce paradigme n’est pas installé de manière pérenne il est tout de même présente dans l’esprit des dirigeants. Il suffit que l’on prenne l’exemple d’une interview réalisé par le PDG de Natixis pour se rendre compte que dans une interview de 5 minutes destinée à ses actionnaires et au grand public, il choisit de mettre en avant le prix que l’entreprise a eu en matière d’innovation en Finance verte. La raison est simple il a compris que derrière cette révolte se cache des valeurs car « toute valeur n’entraîne pas la révolte, mais tout mouvement de révolte invoque tacitement une valeur ». Notre but ici n’est alors pas de faire croire que cette valeur est unique mais bien qu’elle a des formes multiples qui ont cependant comme point commun une visée éthique, autrement dit la poursuite de fins « bonnes » à travers l’activité financière. Ainsi après avoir prouvé que le marché avait besoin de se moraliser, nous montrerons que la demande aussi c’est-à-dire les individus réclament une finance plus éthique. De ce constat envers la sphère financière nous tirerons alors des conséquences.

II-2 L’éthique en finance, une volonté d’intégrer ses valeurs dans l’investissement

« Dans la réalité, les facteurs qui entrent en jeu dans la détermination des salaires et des rémunérations sont bien différents de ceux qui sont spécifiés dans la théorie néo-classique. Dans toutes ces situations, le principe d’équité m’a paru le facteur primordial. » Albert Rees

Afin de rester convaincants nous tenterons donc de montrer que derrière cette révolte, il y a bien des valeurs qui sont capables de mettre à mal le sacro-saint bénéfice. Cette révolte loin d’être éphémère – car plus que les crises en elles-mêmes c’est le système financier dans sa globalité qui est interrogé par les individus. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’au cours d’une conférence sur le private equity à laquelle l’un des auteurs de cet article a assisté, l’un des intervenants affirme que prendre en compte les dimensions éthiques dans son travail complexifiait trop les choses pour qu’il y accorde une importance et que à cette réponse l’assemblée s’émeut quelque peu. On assiste ici à un conflit entre deux visions, deux modes de pensée dont l’un doit et tend à dominer l’autre. Mais bien entendu, cette prise de conscience n’est pas aussi radicale que nous avons pu le laisser croire et on ne peut aisément mettre dos à dos ces deux visions. Notre ressenti au contraire est que le bénéfice, qui n’est plus recherché comme fin en soi mais comme moyen de pérenniser son activité, sert d’autres buts. Les hommes, qui comme nous l’affirmons, participent à cette volonté de changer le système financier se sont mis à proposer des solutions innovantes. On a vu par exemple exploser ce que nous appelons les « banques islamiques », qui n’ont pas à être vilipendées mais répondent tout simplement à un besoin chez les individus d’intégrer leurs valeurs dans leur activité financière. Cela passe ici par le respect des dogmes religieux fondement de la morale chez l’individu. Mais cette volonté éthique prend d’autres formes comme l’investissement solidaire dont nous reparlerons plus tard. Le point commun entre tous cela est la visée éthique, ce qui revient à dire « le bénéfice n’est pas autotélique », il ne se suffit pas à lui-même, il n’est qu’un moyen. Il doit avoir d’autres buts et c’est cette prise de conscience qui guide les hommes et qui doit guider la finance. Mais le premier reproche que l’on pourrait à ce stade faire à cet essai serait de dire que nous n’expliquons pas pourquoi ce paradigme ne s’est pas encore imposé. La réponse est simple et est due au passage en entreprise d’une responsabilité qui n’engage que nous à une responsabilité qui engage toute une société. Dès lors, ces valeurs dont nous avons déjà parlé et qui sont subjectives semblent, à juste titre, secondaires pour l’entreprise car elles ne font pas forcément l’unanimité. Ainsi le dirigeant est voué à faire passer le bénéfice avant ses valeurs. Et là est son erreur.

II-3 La déresponsabilisation en finance

« L’économisme déresponsabilise et démobilise en annulant le politique et en imposant toute une série de fins [objectifs] indiscutées, la croissance maximale, l’impératif de compétitivité, l’impératif de productivité et, du même coup, un idéal humain, que l’on pourrait appeler l’idéal FMI (Fond Monétaire International) ». Pierre Bourdieu

Si on a choisi de parler d’erreur c’est parce que je pense réellement que ce type de raisonnement schématique, caricaturale est contre-productif. Pour plusieurs raisons, la première – que je dois à George A. Akerlof et Robert J. Schiller dans leur essai Les Esprits animaux. Ils citent notamment l’étude de Daniel Kahneman, Jack Knetsch et Richard Thaler qui aboutit au résultat suivant : 82% des personnes interrogées trouvent qu’il est injuste d’augmenter le prix d’une pelle à la suite d’une tempête de neige. Pourtant au regard des principes élémentaires d’économie, la question ne se pose pas : il est logique que l’augmentation de la demande en pelles entraîne une hausse des prix. On voit donc qu’une majorité des gens accordent une part non négligeable au concept d’équité et donc d’éthique. Le meilleur exemple de ce phénomène qui implique d’abord les sphères universitaires, et après les grands dirigeants est celui d’Albert Rees, spécialiste américain du travail et des relations sociales. Il a confessé une lacune immense dans sa théorie, il n’avait pas pris en compte l’éthique. De l’aveu même d’un chercheur éminent, l’éthique tend à supplanter les autres critères. Le problème est le suivant, si les chercheurs qui enseignent et apprennent les rudiments des métiers en finance passent sous silence l’éthique, il n’est pas étonnant que le marché ne le soit et le problème est que seul le contact avec d’autres individus dans la sphère professionnel tend à mettre en lumière ce phénomène. Ainsi notre étude nous pousse à un constat des plus décevants, alors même que toutes les conditions pour faire de l’éthique le nouveau paradigme en Finance sont réunies, la distance, l’aveuglement, la tradition qui tourne en traditionalisme empêchent ce changement.

III- Comment faire de l’éthique le nouveau paradigme de la finance

III-1 Les enjeux que représentent l’éthique pour la finance aujourd’hui

Au-delà de l’importance que représente la place de l’éthique dans la sphère publique aujourd’hui, une finance plus éthique devient essentielle autant pour l’offre que pour la demande. A cet effet, l’investissement massif dans de nouvelles formes de finances représente une opportunité à saisir pour les entreprises mais aussi la condition de leur survie. Le développement expansif de la finance dite alternative telle que : la finance éthique, la finance solidaire, la microfinance, et la finance islamique oblige les entreprises traditionnelles à opérer une mutation dans leurs activités. A la finance traditionnelle où l’appât et la maximisation des profits représentent la visée ultime, se succède de nouvelles formes de finances où les individus cherchent à faire corroborer la recherche du profit à leurs valeurs éthiques. L’argument éthique n’est plus dès lors de l’ordre du symbolique mais devient une caractéristique incontournable dans la finance dans la mesure où il constitue à la fois un levier de motivation pour les salariés et aussi un argument marketing.

III-2 L’insuffisance d’une éthique utilitariste

Toutefois nous ne serions pas honnêtes si nous arrêtions notre raisonnement maintenant, car ce constat présente encore deux défauts. Tout d’abord nous ne sommes pas ici à proprement parler dans de l’éthique étant donné que dans cette perspective l’action est toujours grandement motivée par un appât du gain. Deuxièmement, cette stratégie ne semble pas viable à long terme car elle profite d’une conjoncture favorable à tout ce qui a trait à l’éthique, à l’investissement socio-responsable. Elle devient alors dépendante de cette conjoncture qui peut du jour au lendemain changer. Ainsi, même si cette perspective est déjà un argument pertinent dans ce changement de paradigme il nous semble nécessaire d’aller plus loin dans la visée éthique que nous préconisons.

III-3 La responsabilisation individuelle, le nouvel enjeu du monde de la Finance

Dès lors, l’éthique s’auto-détruit quand on cherche à l’imposer. Mais parce qu’elle intervient dans la vie de la communauté et imprègne nos jugements de valeurs et nos actions, il convient de lui donner un sens à la fois plus large et plus profond que la simple réduction à la réflexion sur les normes individuelles. L’éthique renvoi originairement à une manière relativement stable de voir le monde à une période donnée. S’interroger sur l’éthique c’est se demander quelle est notre manière d’habiter le monde. Si parler de moralisation du capitalisme est une erreur de langage, déceler de l’éthique dans certains de ses visages, au sens de norme, de cadre de pensée à un moment de l’Histoire, est tout à fait légitime. Quand Nicolas Sarkozy en appelle à la refondation du capitalisme, c’est d’ailleurs au nom de ses « valeurs fondamentales », de son « esprit ». L’entrepreneur, que l’on oppose souvent au spéculateur (joueur et cynique), se sent responsable de l’avenir de ses employés. S’il ne condamne pas l’argent, c’est pour le réinvestir, et non pour le garder ou le dépenser de manière égoïste. C’est ce modèle fondé sur une éthique, une vision du monde cohérente, que cherchait à faire revivre Nicolas Sarkozy.

Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas aux autorités publiques d’intégrer l’éthique dans le monde des affaires, ni même aux entreprises de le faire, mais c’est plutôt aux membres de l’entreprise et aux individus de la société d’insuffler ces changements. L’Etat et les entreprises doivent constituer un relais, un soutien (en favorisant la transparence) et n’ont pas à être la pierre angulaire de ce changement de paradigme. Cette pierre angulaire, c’est nous – les étudiants – qui demain devront occuper des postes en finance.

Conclusion :

Ainsi face à l’incapacité du marché à créer un système durable et viable sans éthique et face à la demande croissante d’éthique en Finance, il semble nécessaire de mettre en œuvre de nombreuses mesures pour permettre à l’éthique de devenir le nouveau paradigme en Finance. Dès lors, il semble qu’une politique d’incitation de la part d’ONG et d’Etats, ainsi qu’une politique de transparence (afin de remettre l’individu face à ses responsabilités) soit nécessaires pour faire advenir ce nouveau paradigme.

Bibliographie

  1. Joseph E. Stiglitz, Le triomphe de la cupidité, éd. Les liens qui libèrent, 2010.
  2. Michel Lelart. De la finance éthique à l’éthique dans la finance. DR LEO 2014-03. 2014. <halshs01015484>
  3. Crise financière ou crise morale ? – L’éthique retrouvée ? – Constructif. http://www.constructif.fr/bibliotheque/2010-6/crise-financiere-ou-crise-morale.html?item_id=3039.
  4. Mandeville, Bernard de, et al. La fable des abeilles, ou les vices privés font le bien public (1714). J. Vrin, 1990.
  5. Akerlof, George A., et al. Les esprits animaux: comment les forces psychologiques mènent la finance et l’économie. 2013.
  1. Camus, Albert. L’homme révolté́. Gallimard, 2010.
  2. Ogien, Ruwen. « Repenser les relations entre les faits, les normes et les valeurs ». Les Sciences de l’éducation – Pour l’Ere nouvelle, vol. Vol. 45, no1, 2012, p. 17‑31.
  3. Girard, René. La violence et le sacré. Pluriel, 2010

Edouard Leroux et Antumn Kouadio


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