Auteur : Nicolas Maurice
L’année 2020 fut marquée par une pandémie mondiale aux conséquences économiques dramatiques pour nombre de personnes. Tandis que la bourse s’effondrait, cette fragilité économique a amené les investisseurs à se tourner vers un nouveau type d’actifs, les cryptomonnaies. En effet, le Bitcoin, la première et la plus connue des cryptomonnaies, a vu son prix franchir le palier des 40 000 dollars le 8 janvier 2021 tandis qu’il n’en coutait que 10 000 au début de l’année 2020. Les cryptomonnaies semblent ainsi avoir un réel intérêt spéculatif, mais peut-on voir un avenir de la finance au travers de ces actifs virtuels ?

Avant toute chose, qu’est-ce que la cryptomonnaie ?
« Cryptomonnaie », « Bitcoin », « Blockchain »… si ces termes ne vous disent rien, une définition préliminaire semble nécessaire.
Une cryptomonnaie est une devise électronique, virtuelle, qui s’échange de pair à pair. Le principe d’une cryptomonnaie est donc qu’elle n’a pas de support physique. Cette monnaie virtuelle n’est pas régulée par un organe central (tel que la Banque de France, par exemple).
Elle est émise selon le protocole Blockchain. Cette technologie permet de stocker et transmettre des informations de manière transparente, sécurisée et sans organe central de contrôle. Ainsi, le Bitcoin et autres cryptomonnaies, sont mis en circulation via le minage. Les « mineurs », des personnes réparties partout dans le monde, effectuent des calculs mathématiques avec leur matériel informatique pour le réseau des cryptomonnaies afin de confirmer les transactions et d’augmenter leur sécurité. Les mineurs reçoivent en échange cette monnaie virtuelle qui peut ensuite être convertie en monnaie fiat (monnaie produite par l’État) ou être échangée contre d’autres cryptomonnaies sur des plateformes d’échange.
Entre spéculation et projets sous-jacents
Si la cryptomonnaie la plus connue est bien évidemment le Bitcoin, créé de manière anonyme sous le pseudonyme « Satoshi Nakamoto » en 2008, il existe des milliers de cryptomonnaies autres que le Bitcoin, appelées « altcoins ». À première vue, l’intérêt premier de ces actifs virtuels est la spéculation. En effet, les performances des cryptomonnaies amènent de nombreux investisseurs, amateurs ou non, à se pencher sur celles-ci afin de réaliser des profits. L’Ethereum en est un parfait exemple, sa valeur ayant augmenté de plus de 600% en seulement une année. L’avantage des cryptomonnaies réside également dans le fait que nous ne sommes pas obligés d’acheter un actif « en entier » et qu’elles sont ainsi accessibles à tout le monde. Une personne voulant investir dans le Bitcoin n’aura pas à débourser près de 30 000 euros, elle peut acheter simplement une fraction de l’actif à hauteur de la somme qu’elle souhaite investir.

Cependant, l’investissement dans les cryptomonnaies s’accompagne d’un haut de niveau de risque tant leur cours sont plus que volatiles. Un actif peut voir sa valeur diminuer aussi vite qu’elle a augmenté, et ce, en seulement quelques heures. Si la valeur d’une cryptomonnaie est en grande partie due au nombre de personnes qui investissent dans celle-ci, de nombreux facteurs extérieurs peuvent intervenir dans sa volatilité. Il y a quelques jours, le Bitcoin a vu son cours décollé de 17% en 24h grâce à un… tweet ! C’est en effet, Elon Musk, patron de SpaceX et directeur général de Tesla, qui a modifié sa biographie Twitter en y indiquant « #Bitcoin », bouleversant alors complètement le cours de la plus célèbre des cryptomonnaies. Si cet exemple peut faire sourire, il montre bien à quel point investir dans la cryptomonnaie peut représenter des risques tant nous n’avons aucune garantie sur leur valeur future. En décembre 2017, l’ensemble des cryptomonnaies avait notamment fait l’objet d’une immense bulle spéculative qui avait fini par exploser, provoquant un krach considérable. Le cours du Bitcoin avait alors baissé durant une année avant de retrouver une pente ascendante, début 2019.
Au-delà de l’investissement et de la spéculation, la grande majorité des cryptomonnaies sont créées avec un réel but derrière. Encore une fois, l’Ethereum va servir d’exemple. En effet, en 2013, le canadien d’origine russe Vitalik Buterin présente son projet Ethereum, une plateforme blockchain qui permet aux programmeurs de créer des smart contratcs, comprenez « contrats intelligents » en français. Ces contrats autonomes sont des programmes informatiques dont l’exécution ne dépend pas d’un tiers de confiance, et qui s’activent automatiquement lorsque certaines conditions sont remplies sur la blockchain sur laquelle ils sont hébergés. Par exemple, un utilisateur d’Ethereum peut créer un contrat intelligent pour envoyer un certain montant d’ether à un ami, à une certaine date. Ils déploient ce code dans la blockchain et, dès que le contrat est rempli, c’est-à-dire à la date définie, les ethers sont automatiquement envoyés à l’autre partie. Ces smart contracts permettront par la suite de créer des applications décentralisées, plus couramment appelées DApps (Decentralized Applications) qui sont est des applications fonctionnant sur un réseau décentralisé, par opposition aux applications classiques qui reposent sur des serveurs centralisés. À l’inverse de ces applications classiques, les DApps sont plus transparentes, robustes et impossibles à arrêter ou censurer. Parmi ces DApps fonctionnant sur Ethereum, nous retrouvons MarketDAO, permettant de contracter des prêts en stablecoin, une cryptomonnaie qui a pour principe de garantir une valeur fiduciaire stable, et plus particulièrement le DAI. Ethereum est ainsi la première cryptomonnaie à avoir été créée avec un si gros potentiel d’évolution. Les précédentes permettaient pour la plus grande partie seulement un échange monétaire.

De plus, les projets des cryptomonnaies ne se limitent pas à la création de programmes ou d’applications, nous les retrouvons même dans le monde du sport professionnel ! C’est effectivement ce qu’a voulu développer Alexandre Dreyfus, un des cofondateurs du célèbre site Winamax, en lançant le Chiliz et la plateforme socios.com. Cette nouvelle cryptomonnaie permet aux fans de sport d’être au cœur des décisions de leurs équipes préférées. Socios.com permet en effet d’acheter des « Fan Tokens » qui sont des actifs numériques donnant le droit aux supporters de voter sur les questions relatives aux clubs. Lorsqu’une personne possède des Fan Tokens, elle rejoint alors un groupe de supporters puissant concernant la prise de décision collective. Les équipes partenaires s’engagent ainsi à solliciter l’avis de ces supporters en organisant des sondages. Les détenteurs de Fan Tokens pourront alors choisir le design d’un maillot, le nom d’un terrain d’entrainement, ou encore le joueur qui répondra aux questions des supporters sur le compte Twitter du club. Plusieurs grands clubs de football, comme le FC Barcelone, la Juventus de Turin ou le Paris Saint Germain, sont partenaires avec cette plateforme et peuvent donc prendre des décisions en fonction du choix des fans. Mais du coup, quid du Chiliz dans tout cela ? Le Chiliz est tout simplement la cryptomonnaie permettant d’acheter des Fan Tokens sur la plateforme socios.com. Le Chiliz fonctionne ensuite comme tout autre cryptomonnaie et voit son cours fluctuer en fonction de plusieurs paramètres, mais l’on se doute bien qu’à l’approche des grands rendez-vous sportifs, le nombre d’acheteurs de Chiliz augmente et son cours également.
Vers une démocratisation des cryptomonnaies dans la vie courante ?
Pour le moment, rares sont les opportunités de payer vos courses ou votre baguette de pain en dépensant vos Bitcoin ou autres cryptomonnaies. Cependant, l’engouement grandissant autour de ces actifs virtuels amène à se demander si leur utilisation ne fera pas partie intégrante de nos vies, d’ici quelques années.
Plusieurs scénarios sont alors possibles quant à l’avenir des cryptomonnaies. Un premier scénario envisagerait la disparition des cryptomonnaies après l’explosion d’une bulle spéculative colossale. Comme dit précédemment, ces actifs virtuels étant très instables, ils ne sont pas à l’abris d’un nouveau krach, faisant chuter leur valeur d’un coup. Dans ce scénario, seuls les « geeks » et les activistes anti-banques continueraient ainsi à utiliser la cryptomonnaie, comme c’était le cas à ses débuts.
Un deuxième scénario intermédiaire positionnerait les cryptomonnaies comme étant utilisées par les initiés mais également par les marchés de niche, soit un petit segment du marché correspondant à un produit ou un service très spécialisé. En effet, la technologie blockchain permet à certaines entreprises d’obtenir une plus grande plus-value. On trouve en France plusieurs projets tournés dans ce sens comme Request Network, iExec ou encore NaPoleonX.
Enfin, dernier scénario, très utopique pour le moment mais envisageable à long-terme, le remplacement de nos monnaies actuelles par les cryptomonnaies. Il serait alors possible de faire vos courses et de les payer en Bictoin, régler l’addition de votre repas en Ethereum… Mais avant cela, il faudra que les cryptomonnaies soient règlementées par les États. Le Japon a d’ailleurs déjà voté une loi normalisant et règlementant certaines de ces devises. Dans plusieurs pays d’Europe, il est possible de régler quelques achats en Bitcoin, mais cela est encore très limité. C’est en ce sens que souhaite se positionner la plateforme de paiement PayPal. En effet, les clients de celle-ci pourront très bientôt acheter, vendre et gérer des portefeuilles incluant de la cryptomonnaie via l’application. Mais Paypal va encore plus loin, puisque l’entreprise américaine souhaite rendre possible l’achat de biens et services en tout genre avec des cryptomonnaies.
Un autre moyen de voir les cryptomonnaies apparaître dans notre vie quotidienne serait leur émission par les banques centrales. C’est dans cette optique que Christine Lagarde, présidente de la BCE, réfléchit notamment à l’introduction d’un « euro numérique » d’ici 2026. Un euro numérique serait une forme électronique de monnaie de banque centrale qui, à l’instar des billets de banque, « permettrait à tous d’effectuer leurs paiements quotidiens rapidement, facilement et en toute sécurité », explique l’institution. Cette cryptomonnaie existerait ainsi en parallèle des pièces et billets, mais ces derniers sont de moins en moins utilisés en raison notamment de la pandémie. Cet euro numérique ne sera envisagé uniquement s’il est moins cher, plus rapide et plus sûr pour les Européens. Affaire à suivre…