Interview d’Amélie Derambure, Amundi  


Par Mathilde Derambure

Cette semaine, la Chronique a eu l’opportunité d’interviewer Amélie Derambure, Senior Multi-Asset Portfolio Manager at Amundi et Deputy Head of Balanced and Real return strategies, Multi-Asset Paris, groupe Crédit Agricole.

En quoi consiste votre métier ? Qu’est-ce que l’asset management ? Et balanced and return strategies?

Je suis gérante de portefeuille (porfolio manager en anglais) pour mes clients, c’est-à-dire que j’investis sur les marchés financiers l’épargne d’institutions (comme des banques centrales, des mutuelles, des fonds de pension) ou d’entreprises ou de clients particuliers. Nos clients (institutionnels, assurances, réseaux bancaires, etc.) font ainsi appel aux entreprises de gestion d’actifs telles qu’Amundi pour gérer les placements de leurs clients que ce soit via des supports dédiés pour leur besoins particuliers, via l’épargne salariale, les contrats d’assurance-vie ou autres supports de placements collectifs. 

Au sein des équipes de gestion, j’appartiens à la ligne multi-asset, c’est-à-dire que j’investis dans plusieurs classes d’actifs, dont les obligations d’états et d’entreprises, les actions et les devises, et ce dans toutes les zones géographiques du monde. Je fais aussi partie de la filière d’expertise Balanced and real return strategies, c’est-à-dire une stratégie de gestion de portefeuille à objectif de surperformance par rapport à un indice de référence de marché ou par rapport à l’inflation. 

Ce qui va tout d’abord entrer en compte c’est le profil risque du client et ses contraintes en particulier règlementaires. Certains clients souhaitent un rendement élevé et donc doivent accepter un risque en terme de volatilité et donc de pertes plus élevé. Nous avons ainsi des portefeuilles différents selon les clients, avec par exemple une proportion des actions dans le portefeuille qui peut aller de 15% à 80% selon les types de clients. Nous faisons dans tous les cas preuve de diversité dans les portefeuilles investis à la fois sur les classes d’actifs et les régions mais également au niveau du choix des valeurs par entreprises afin d’éviter des pertes trop importantes en cas de difficulté isolée d’une entreprise ou  d’un secteur particulier. Que le client soit un particulier, une entreprise ou une institution influence aussi notre gestion : pour ce qui est des compagnies d’assurances, par exemple, la règlementation assurantielle institutionnelle à l’œuvre dans le pays joue beaucoup et pour les particuliers, il s’agit souvent de fonds collectifs (OPCVM) respectant la règlementation UCITS. 

Pourquoi avoir choisi de travailler dedans ? Qu’est-ce qui vous plait ?

J’aime mon métier car il est exigeant et multi-facettes. Essayer de faire de la performance régulière pour satisfaire nos clients demande de bien comprendre l’économie, les outils de valorisation, le fonctionnement des marchés financiers, mais aussi la géopolitique et tous les éléments qui peuvent influencer le comportement des acteurs de marché. Je trouve cela passionnant de pouvoir investir sur plusieurs classes d’actifs et ce dans le monde entier, de pouvoir chercher au sein d’une large palette le meilleur couple rendement-risque pour nos clients. 

Je trouve aussi très intéressant le processus d’investissement, à la fois parce que cela demande une analyse poussée de l’économie et des marchés financiers et parce que ce travail se fait de manière collective. Les décisions sont en effet prises dans des comités d’investissement suite à des discussions de groupe.  

Il y aussi des évolutions dans notre industrie qui sont très importantes comme l’accélération très forte de la mise en place de critères environnementaux dans les investissements. 

Le caractère stimulant de ce métier est aussi lié à la compétition : Il faut avoir des bonnes performances régulières pour être bien classé par les clients et les consultants. La pression du classement est très motivante. 

Pouvez-vous nous parler de votre carrière ? Comment êtes-vous arrivée à ce poste ?

J’ai commencé dans le groupe en tant qu’économiste. Je faisais des analyses et prévisions économiques et financières sur la zone euro pour aider les décideurs du groupe et les clients de la banque à prendre des décisions d’investissement.  Dans le cadre de ce métier, j’ai souvent parlé pour expliquer mes prévisions à des gérants de portefeuilles et échanger avec eux m’a finalement donné envie de travailler avec eux, ce qui m’a amené à changer de poste en interne en passant d’économiste à stratégiste de marché. On m’a ensuite proposé en 2007 de rejoindre une équipe de multi-asset pour clients institutionnels. J’ai ainsi eu une évolution naturelle dans le même groupe.

Quel est le moment qui vous a le plus marqué durant votre carrière ? 

Le premier moment dont je voudrais vous parler c’est mon premier appel d’offre à l’international. Il y a une partie écrite, puis un entretien à l’oral pour les sélectionnés. Retenus pour l’oral, je travaillais avec un de mes collègues sur cet appel d’offre, et c’était notre premier oral à l’international à tous les deux. Nous étions nerveux parce que le commercial qui suivait le client nous avait annoncé que nos chances étaient réduites sur ce dossier car nous n’avions aucune relation ni avec le client, ni avec son consultant, au contraire d’un de nos concurrents. Notre proposition technique était solide et nous avions bien su anticiper les questions du client durant l’oral, si bien que le client et son consultant nous ont choisis. Ils ont même dit avoir apprécié notre jeunesse et notre conviction !

Je voudrais aussi vous parler des crises financières, car ce sont parmi les moments les plus marquants de ma carrière. Que ce soit en 2007-2008 pendant la Grande Crise, lors de la crise de la zone euro, ou du Corinavirus, etc. ces périodes sont très difficiles : les effets de diversifications entre classe d’actifs ne marchent pas correctement, les paramètres de risques explosent, les liquidités diminuent drastiquement sur le marché : tout arrive en même temps. Il faut prendre les décisions rapidement sous peine de voir les performances s’effondrer, car certains actifs se vendent difficilement en temps de crise, les appels de marge sont importants et tous les investisseurs vont dans le même sens. Ce sont donc des moments très intenses, qui demandent du sang-froid pour prendre les bonnes décisions dans la tempête. 

Dans quels secteurs investissez-vous actuellement et que regardez-vous dans vos analyses ?

Pour investir dans un actif, nous effectuons tout d’abord une analyse de l’environnement macro-économique et financier. Nous analysons la valorisation absolue et relative de l’actif, mais également les risques, les facteurs techniques. Nous investissons sur des actions, obligations d’état et d’entreprises et devises dans toutes zones avec en ce moment un biais en faveur des actions cycliques. Dans le contexte d’inflation que nous connaissons, nous nous concentrons sur des entreprises bénéficiant d’une bonne capacité à répercuter la hausse de prix sur les consommateurs sans trop voir leur marge s’éroder, c’est-à-dire qui bénéficient d’une bonne image de marque ou position avec une concurrence modérée. Avant chaque décision importante, nous nous réunissons ensuite dans des comités d’investissement, où chacun des membres est spécialisé dans un secteur, marché ou élément particulier, et nous discutons des idées d’investissement proposés par chacun. 

Pourquoi avoir choisi de travailler chez Amundi ?

J’ai choisi de travailler pour cette entreprise parce qu’Amundi est un des acteurs incontournables de l’Asset management en Europe, et que j’ai eu l’opportunité d’avoir une belle évolution au sein du groupe : j’y ai commencé en tant qu’économiste, puis j’ai eu la chance qu’on propose d’évoluer et changer de poste au sein du même groupe, et même de travailler à l’étranger. 

Que conseilleriez-vous à un étudiant à GEM qui souhaiterait effectuer une carrière dans la finance plus tard ?

Aux étudiants qui souhaitent travailler dans un des métiers touchant de près ou de loin à la finance je vous conseille de : 

  • Ne pas dire « je veux travailler dans la finance », il faut être plus précis, il y a de nombreux métiers différents entre le financement, le M&A, le contrôle de gestion, la finance de marché etc. 
  • Ne pas hésiter à réaliser des stages dans différents secteurs pour trouver sa voie.
  • Bien réfléchir à vos stages car ils seront déterminants pour votre premier emploi.
  • Aimer l’entreprise que vous choisissez pour vos stages car il n’est pas rare que le premier emploi se fasse suite à un stage.

Ce que nous nous regardons le plus quand nous recrutons c’est le parcours académique, les stages et la motivation.


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