Organisation des JO 2024 : une bonne opération économique ?


Par Nicolas Maurice

Le 13 septembre 2017, le Comité International Olympique (CIO) a désigné officiellement la ville de Paris comme organisatrice des Jeux Olympiques d’été de 2024. Cent ans après la dernière édition organisée dans la capitale française, la flamme olympique sera de nouveau allumée à Paris. Cependant, une fois l’euphorie de cette désignation passée, vient le temps du questionnement et de la réflexion sur l’efficience économique de cette organisation. En effet, à première vue, organiser les Jeux Olympiques apparaît comme être un gouffre financier dont il est difficile de sortir, comme ce fut le cas en 2016 pour Rio de Janeiro et le Brésil. Mais les organisateurs se défendent en exposant un plan économique prouvant que la France ressortira gagnante de ces Jeux. Ainsi, quelles peuvent être les conséquences économiques de l’organisation des Jeux Olympiques à Paris en 2024 ? 

L’attente de grandes retombées économiques 

Et si organisation des Jeux Olympiques et économie faisaient bon ménage ? La question peut sembler utopique tant les mauvaises expériences des villes ayant reçu les Jeux Olympiques sont nombreuses. Si les JO de Tokyo 2020 sont à part, car décalés d’une année et s’étant déroulés sans public, ceux de Rio de Janeiro en 2016 ou de Pékin 2008 peuvent laisser planer un sérieux doute quant au rendement économique et financier d’une telle organisation. 

Pourtant, Tony Estanguet, triple champion olympique et Président du Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) de Paris 2024, voit ces Jeux comme « une opportunité exceptionnelle pour favoriser l’activité économique, promouvoir la France, ses territoires, ses savoir-faire, développer l’activité touristique et amplifier son rayonnement au niveau international. C’est tout le secteur économique du pays qui profitera pleinement de l’effet Jeux : l’emploi, l’investissement, la consommation… ». Et pour cause, selon une étude du Centre de droit et d’économie du sport (CDES), réalisée en 2016, les retombées économiques pourraient avoisiner les 10,7 milliards d’euros pour la capitale francilienne et le reste du pays sur la période 2017 – 2034. À court terme, ces retombées correspondent à l’activité engendrée par les Jeux sur le territoire et sont liées aux dépenses des spectateurs (locaux ou étrangers) dans l’hébergement ou la restauration par exemple, mais surtout de par la billetterie qui est une des sources majeures de revenus. 13,4 millions de billets seront mis en vente pour permettre aux spectateurs du monde entier d’assister à ces Jeux. 

Source : Centre de droit et d’économie du sport (CDES), 2016

De plus, les retombées économiques ne se concentreront pas uniquement à Paris et en Île-de-France. Effectivement, les épreuves nautiques, comme la voile, ne pouvant pas se dérouler dans la région parisienne, seront délocalisées à Marseille qui profitera tout autant des retombées de ces JO. Les secteurs de l’hôtellerie et du tourisme seront ainsi les premiers bénéficiaires dans ces villes hôtes. D’autant plus que les JO auront également des répercussions économiques sur les collectivités d’outre-mer. Cela peut paraître surprenant, mais le CIO a validé la décision d’organiser les épreuves de surf à Tahiti. La Ministre des Sports, Roxana Maracineanu y voit ainsi « une opportunité de valoriser la culture tahitienne ». 

Un budget qui s’annonce maitrisé

En termes de budget, les coûts sont divisés en deux grandes parties. D’un côté, les coûts opérationnels comprenant l’organisation et la sécurité des épreuves, le transport et la restauration des participants ou encore les salaires des membres du COJO. De l’autre, apparaissent les coûts de construction ou de rénovation des infrastructures sportives comme les stades ou piscines et non sportives, par exemple le village olympique. Ainsi, le budget prévisionnel est de 6,6 milliards d’euros dont 3,6 milliards seront alloués à l’organisation des épreuves et qui sera financée par le secteur privé grâce notamment aux dotations du CIO, la billetterie et les droits TV. Les 3 milliards d’euros restants étant ainsi utilisés pour la construction et financés à la fois par le privé et par le public. Les contribuables auront donc à leur charge la somme d’un milliard et demi d’euros.  

Si la candidature de Paris a été retenue, c’est également car la ville bénéficie déjà de 95% des infrastructures sportives pour accueillir les quelques 10 500 athlètes répartis sur 32 disciplines différentes. Seuls un nouveau centre aquatique et le village olympique seront à construire. Des économies importantes sont alors réalisées d’autant que les constructions établies en vue de ces JO ne serviront pas uniquement les Jeux. En effet, il n’est pas dans la volonté des organisateurs de laisser à l’abandon les sites olympiques comme cela avait pu être le cas à Pékin en 2008. Le village des médias, qui sera construit dans la ville de Dugny et accueillera 2800 journalistes, sera converti en un nouveau quartier de 4000 habitants qui pourront utiliser ces logements déjà en place. Les organisateurs défendent donc un budget maitrisé. Au total, cela constitue un marché de plus de 800 000 millions d’euros pour le secteur du bâtiment dont tout le monde va profiter. En effet, ce type de chantier irrigue l’ensemble de l’activité car les grandes entreprises pourront prendre en charge la construction des gros équipements et les PME et artisans, quant à eux, seront en appui sur d’autres parties comme le logement. 

Une aubaine pour la création d’emplois

Qui dit organisation des Jeux, dit main d’œuvre nécessaire à toutes les échelles. Ces Jeux Olympiques seront générateurs de plusieurs milliers d’emplois dans tous les secteurs (construction, marketing, architecture, événementiel…). Toujours selon l’étude du CDES parue en 2016, le scénario le plus haut envisage la création de 247 000 emplois pour la préparation et l’organisation des Jeux. Entre autres, 78 300 pour l’organisation (transport, événementiel, communication…), 60 000 dans le tourisme (hôtellerie-restauration…) et 11 700 dans la construction. Des emplois qui sont à pourvoir depuis 2021 et jusqu’en 2024. D’ailleurs, le site internet de Paris 2024 détient une plateforme dédiée au recrutement et qui recense à ce jour plusieurs dizaines de postes sous tous types de contrat.

Des craintes quant aux conséquences économiques

Si le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques semble serein quant au respect du budget, il paraît tout de même opportun de se questionner sur la réalité des événements. En effet, le budget prévisionnel affiché est très rarement respecté lorsqu’il s’agit de l’organisation des Jeux Olympiques. Le dépassement du budget prévisionnel apparait comme une « tradition olympique ». Si l’on prend les trois dernières olympiades d’été, Londres 2012 a dépassé son budget de 6,1 milliards d’euros, Rio 2016 de 23,5 milliards et Pékin 2008 a affolé les compteurs avec 29,4 milliards d’euros de dépassement. 

Il est donc légitime de se demander si Paris 2024 arrivera à ne pas dépasser son budget prévisionnel ou, du moins, à limiter au maximum ce dépassement. Si ce budget est bien souvent dépassé, c’est parce qu’il ne prend pas en compte certaines dépenses, pourtant essentielles à l’organisation des Jeux Olympiques. C’est le cas pour les coûts liés au démontage des installations, au nettoyage des sites ou encore à la sécurité extérieure des enceintes. Ainsi, si les organisateurs se défendent d’un budget maitrisé car 95% des infrastructures sont déjà en place, ils omettent certains coûts qui pourraient largement faire dépasser ce budget pouvant atteindre 18 milliards d’euros selon Alexandre Delaigue, professeur d’économie à Lille I, qui s’intéresse à l’impact économique des JO sur les villes hôtes. 

En outre, les études estimant que les Jeux Olympiques peuvent générer jusqu’à 10,7 milliards d’euros de retombées économiques ne prennent pas en compte certains effets. L’effet de substitution en est un exemple. En effet, dans le cadre des JO, un touriste qui viendrait à Paris pour assister aux Jeux ne reviendra pas forcément l’année suivante, ou alors, il dépensera dans l’événement ce qu’il ne dépensera pas ailleurs. D’autant plus qu’il est impossible, pour l’heure, de chiffrer avec exactitude combien rapporteront ces JO. Les 10,7 milliards d’euros annoncés par le CDES sont la fourchette la plus haute et la plus optimiste. Dans le cas du scénario le plus bas, les Jeux Olympiques de Paris 2024 ne pourraient générer que 5,3 milliards d’euros, soit 50% de moins que le rendement espéré. Un écart qui peut laisser planer quelques doutes… 


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