Par Asma El Faskaoui, Fiona Redon, Claire Meublat et Chaymae Bouharrass, le 25/04/2025
La réélection de Donald Trump à la présidence américaine soulève des inquiétudes quant à l’égalité des sexes, notamment dans le secteur financier. En effet, le choc est brutal. Il y a encore quelques mois, Kamala Harris incarnait l’espoir d’un avenir plus équitable pour les femmes du monde entier. Cependant, avec l’élection de Donald Trump en 2025, la situation a radicalement changé. Les entreprises américaines abandonnent progressivement leurs programmes d’inclusion et de diversité, tandis que les initiatives liées aux thématiques ESG (environnement, social et gouvernance) sont compromises. Dans un secteur financier encore largement dominé par les hommes, ces changements risquent de réduire considérablement les opportunités pour les femmes. Cette situation expose les femmes à un double défi. D’une part, les mesures économiques et sociales mises en place risquent de freiner les efforts en faveur de la diversité et de l’inclusion. D’autre part, la déréglementation et les avantages accordés aux grandes entreprises pourraient aggraver les inégalités salariales et limiter l’accès des femmes aux postes à responsabilité.
Néanmoins, la finance, autrefois perçue comme un domaine exclusivement masculin, connaît une transformation positive avec une présence féminine en constante augmentation. Cette avancée résulte d’un changement progressif des mentalités et d’une reconnaissance croissante du rôle essentiel des femmes dans l’économie. Toutefois, face à un climat politique instable, une question demeure : comment assurer la continuité de cette progression et protéger les acquis en matière d’égalité professionnelle ?
La marginalisation des femmes en finance, une longue histoire…
Historiquement, les femmes ont été largement exclues du monde de la finance, en particulier des postes à responsabilité. Jugées nerveuses et inaptes à diriger des hommes ayant fait la guerre, elles étaient confinées à des rôles subalternes, tels qu’employées, commis ou auxiliaires. Contrairement à d’autres secteurs de l’administration comme l’Agriculture ou le Commerce, la finance est restée particulièrement réticente à leur intégration à des postes de direction.
Après la Seconde Guerre mondiale, des réformes permettent une progression timide. En 1946, l’égalité d’accès aux concours de catégorie A est instaurée, mais avec des exceptions limitant leur présence dans certains corps d’élite. Cependant, dans les années qui suivent des quotas restreignent encore leur accès aux postes d’inspecteurs des Finances. Leur progression est lente, freinée par des biais culturels et un recrutement encore largement masculin.
À partir des années 1970, leur présence commence à s’accroître grâce à la suppression des quotas, la diversification des recrutements et la mixité des concours publics. La part des femmes parmi les administrateurs civils passe de 2,1 % en 1965 à plus de 10 % en 1981. Cette avancée est soutenue par des réformes, ainsi que par un changement progressif des mentalités et un engagement politique en faveur de l’égalité.
Aujourd’hui, la féminisation du secteur financier est une réalité, avec 60 % de femmes dans les effectifs. Cependant, leur accès aux postes de direction reste limité. Elles représentent seulement 9 % des membres des comités exécutifs et sont sous-représentées dans certains domaines comme l’audit ou les fusions-acquisitions (11 % à 33 % de femmes).
Malgré ces obstacles, des figures féminines émergent à des postes clés, comme Florence Lustman à la présidence de France Assureurs, illustrant une avancée progressive vers une plus grande égalité dans la finance.
On fait face à un changement progressif des mentalités, mais aussi à des politiques mises en place pour promouvoir l’égalité des genres.
On voit par exemple émerger des initiatives comme le “30% Club” qui vise à accroître la représentation féminine dans les conseils d’administration. Jusqu’à tout récemment, le secteur financier est considéré comme un bastion d’hommes, mais il y a eu de réels progrès dans le domaine de l’égalité des sexes. Les femmes ne sont plus seulement dans des emplois subalternes mais accèdent de plus en plus à des postes à responsabilités, allant de l’analyste financier au directeur général de grandes entreprises. Christine Lagarde, première femme à présider la Banque Centrale Européenne (BCE), ou Adena Friedman, PDG du Nasdaq sont des figures emblématiques de la mise en avant des femmes dans un secteur historiquement masculin où leur accès à des rangs supérieurs dans les principales institutions financières illustre bien que les mentalités évoluent et que les compétences féminines sont reconnues.
Mais loin d’être le fait du hasard, cette avancée résulte de politiques et initiatives programmées en faveur de la diversité et la mixité. Le « 30 % Club », créé au Royaume-Uni en 2010 pour accroître le nombre de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises est un exemple d’initiative qui a bien permis d’augmenter le nombre de femmes dans les conseils au cours des dernières décennies.
En France, la loi Copé-Zimmermann de 2011 prévoyant un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises cotées, instauration qui participait de l’encouragement d’un accès à des niveaux de responsabilités plus élevés, a contribué à éviter l’exclusion des femmes. Mais aussi des programmes de mentorage et de formation des femmes au sein des banques et institutions financières pour faire émerger davantage de femmes en tant que dirigeantes.
Toutefois, malgré ces avancées, la parité est loin d’être atteinte. Le plafond de verre demeure une réalité, et les inégalités persistent, notamment en matière de rémunération et d’accès aux postes les plus influents. Si des progrès indéniables ont été réalisés, la finance reste un univers où le masculin l’emporte encore trop souvent sur le féminin. L’enjeu est donc de poursuivre ces efforts pour garantir une égalité durable et non simplement symbolique.
En dépit de progrès importants par rapport à l’égalité professionnelle énoncés ci-dessus, les femmes rencontrent encore de fortes résistances dans le secteur financier.
Selon Green Finance, le plafond de verre est une réalité tenace ; il n’y avait en 2024 aucune femme à la présidence d’une entreprise du CAC40, seules 6,25 % des directions suprêmes étaient confiées à des femmes. Cette sous-représentation aux positions supérieures de la hiérarchie restreint leur évolution tant salariale que professionnelle.
De plus, les différences de revenus demeurent tout aussi préoccupantes. En France, selon Oxfam France les femmes salariées touchent 22,2 % de moins que leurs collègues masculins. Ainsi, pour un travail égal et comparé à des hommes, cet écart s’élève à 14,2 % et à 3,8 % respectivement. De surcroît, selon Vanessa Di Paola et Stéphanie Moullet de l’institut Science Po, moins d’un cadre sur deux est une femme (35 % contre 43 % chez les hommes) et dans les rares cas où elles ont un poste de manager, il est beaucoup plus fréquent qu’elles soient à la tête d’une petite équipe, qui en termes de charge de travail et de compétences financières est moins important.
Outre cela, la culture d’entreprise pose aussi problème dans le secteur financier. Selon l’APEC en 2025, les femmes cadres se trouvent moins bien rémunérées que les hommes (54 % contre 61 %) et jugent que leurs efforts professionnels ne reçoivent pas une rémunération et une évolution de carrière proportionnelles à leur investissement. Cela peut s’expliquer par des ambiances exigeantes de travail ainsi que par des stéréotypes de sexe encore très présents.
Cependant pour pallier ces inégalités, différents dispositifs ont été déployés. selon Le Monde en 2024, la loi Rixain adoptée en 2021 rend obligatoire, d’ici 2030, des quotas de femmes dans les conseils de gouvernance des grandes entreprises, tout en devant concilier obligation de non-discrimination à la prise de fonction et promotion de la diversité. Certaines entreprises ont également mis en place des programmes de mentorat au profit des femmes en vue de l’avancement de leur carrière. Mais L’Oréal est en la matière une entreprise reconnue pour ses actions en faveur de la diversité et de l’inclusion, notamment à travers des programmes de mentorat spécifiquement programmés à destination des femmes. Néanmoins, des efforts supplémentaires s’avèrent nécessaires pour renouveler en profondeur les structures et les cultures d’entreprise. Dominique Meurs, chercheuse spécialisée en inégalités de genre au travail, indique dans le journal Le Monde en 2024, qu’il fallait évaluer rigoureusement les dispositifs de promotion et introduire la compétition interne via le job posting et le mentoring. La transparence salariale est également critique : à partir de 2023 selon Le Monde en 2024,, une directive européenne impose la transparence des rémunérations, restreignant les entreprises dans l’obligation de déclarer les écarts de rémunération et de justifier ceux dépassant 5 %.
Finalement malgré des initiatives intéressantes, la place des femmes dans les métiers de la finance demeure exposée à des contraintes non négligeables. Une modification culturelle et structurelle couplée apparaît indispensable pour réaliser une égalité professionnelle dans ce secteur. Janet Yellen, secrétaire au Trésor des États-Unis, nous rappelait en 2023 que « La finance est encore un terrain à conquérir pour les femmes, mais les progrès que nous observons montrent que l’égalité des genres ne peut être qu’un atout pour notre économie mondiale. »