Aujourd’hui, nous rencontrons M. Jérémy Barray, diplômé d’un master ESCP en International Wealth Management et dirigeant de la société de gestion de patrimoine Legalfi Trinity.
Bonjour Jérémy, on entend souvent parler de la gestion de patrimoine mais ce terme semble assez large. Pouvez-vous nous en dire plus sur vos activités ?
Le terme de gestion de patrimoine est utilisé de manière très large par beaucoup de professionnels qui ne traitent parfois qu’une partie du sujet. Certains professionnels qui font de l’immobilier ou encore certains banquiers se présentent comme des gestionnaires de patrimoine ce qui rend les activités du métier assez floues.
On considère comme un bon conseiller en gestion de patrimoine un professionnel qui détient certaines habilitations. En l’occurrence le seul statut réglementé est CIF (conseiller en investissements financiers). Pour pouvoir disposer de ce statut, le professionnel doit justifier d’avoir à minima une maîtrise dans le domaine du commerce ou du droit et justifier d’une certaine expérience professionnelle dans ces domaines.
Lorsque le conseiller est CIF, il doit adhérer à une association professionnelle qui est elle-même encadrée par l’AMF. De ce fait, le professionnel a des obligations règlementaires et administratives ainsi qu’un formalisme obligatoire. Au cours de ses entretiens avec ses clients, le conseiller doit produire certains documents tels qu’une lettre d’entrée en relation, une lettre de mission ou encore un rapport écrit de conseil. Ces procédés sont lourds pour le professionnel mais représentent un gage pour le client que le conseiller est capable d’intervenir sur tous les domaines de la gestion de patrimoine. Pour en énumérer quelques-uns, les conseillers en gestion de patrimoine ont une carte de transaction sur immeubles et fonds de commerce qui leur permet d’être force de proposition et de conseil dans le domaine de l’immobilier. Ils peuvent aussi avoir un numéro ORIAS (organisme pour le registre des intermédiaires en assurance) qui leur permet de distribuer des produits financiers et assurances. Les conseillers en gestion de patrimoine peuvent aussi être intermédiaire en opérations bancaires et service de paiement, ce qui leur permet de pouvoir conseiller sur les financements et crédits.
Le dernier agrément qu’il est possible d’avoir est la CJA (compétence juridique appropriée) où le conseiller justifie d’un master 2 en gestion de patrimoine, en droit ou encore en notariat. Cet agrément l’autorise à rédiger des actes juridiques accessoires à son activité principale.
En dehors des solutions qu’il peut apporter, le CGP conseille également les personnes physiques et morales sur différents sujets tels que la fiscalité, la stratégie d’organisation du patrimoine d’un point de vue familial, les donations ou encore les transmissions de patrimoine.
Comment ce métier est-il perçu de nos jours ? Comment expliquez-vous un engouement grandissant ?
Comme nous l’avons dit précédemment, certaines personnes se proclament conseiller en gestion de patrimoine sans forcément l’être. C’est pourquoi le métier n’est pas toujours perçu de manière très claire. En fonction de leurs expériences certains ont un regard plutôt critique vis-à-vis des conseillers en gestion de patrimoine. Les professionnels comme les notaires ou les experts comptables se font démarcher par beaucoup de conseillers et peuvent avoir des aprioris négatifs. Cependant, la clientèle concernée reconnait la valeur ajoutée que peut apporter un conseiller en gestion de patrimoine, parce que ses conseils et ses services viendront en complément de ceux des autres professionnels de la finance ou du droit, tel que le banquier, le notaire, l’avocat ou l’expert-comptable. Le conseiller en gestion de patrimoine contribue donc à l’interprofessionnalité pour assurer au client d’avoir un niveau de conseil complet, et une vision globale de son patrimoine et du traitement de ses objectifs.
Ce métier s’adresse-t-il exclusivement aux personnes riches ?
Cela va dépendre de la stratégie du conseiller ou du cabinet. Certains ont pour stratégie de démocratiser la gestion de patrimoine et de rendre accessible à un plus grand nombre des solutions parfois considérées comme étant réservées à une élite. Dans les banques traditionnelles, les conseils ou placements les plus pertinents ne sont souvent donnés qu’aux personnes qui ont au préalable bien rempli leurs caisses. Le gestionnaire de patrimoine considère qu’il peut apporter ces solutions à monsieur tout le monde. Certains cabinets estiment cependant que leur valeur ajoutée s’applique à des personnes disposant d’un certain niveau de patrimoine, à partir d’un million d’euros par exemple. Un patrimoine d’une telle importance va entrainer des besoins de conseils qui seront beaucoup plus approfondis. En ce qui me concerne je pense que cela concerne des personnes qui ont un patrimoine à gérer. (rires)
Comment se rémunère un gestionnaire de patrimoine ?
La stratégie de rémunération dépend également des cabinets et des conseillers. Sur une clientèle large ou modeste, on a du mal à facturer le conseil car il n’y a pas vraiment de réel besoin en stratégie patrimoniale. La rémunération du conseiller se limite donc à une vente adaptée aux besoins du client sur laquelle il touchera une commission. Les promoteurs et les assureurs ont pour habitude de commissionner les conseillers en gestion de patrimoine qui vont placer les produits auprès des clients. Ce type de rémunération représente environ 90% de l’activité. Pour les 10% restants qui ont en général un niveau de formation supérieure et un type de clientèle plus aisée, il y a un véritable besoin de conseil avec une lettre de mission qui comprend des honoraires, comme font les avocats ou experts comptables avec leurs honoraires de conseil. Une fois que la mission de conseil est réalisée, si le client fait confiance au conseiller pour mettre en œuvre ses conseils, et cela passe souvent par une souscription à une solution financière ou autre, il peut y avoir rémunération sur la souscription des produits. Ensuite, notamment en ce qui concerne les placements financiers, quasiment tous les contrats comprennent des frais de gestion, et les conseillers se rémunèrent sur une partie de ces frais de gestion que leur rétrocèdent les assureurs, de façon à pouvoir rémunérer le suivi du client. Il peut aussi y avoir des frais d’entrée qui reviennent entièrement au cabinet de gestion. Cela tourne à 4% en moyenne sur le marché, mais le conseiller peut choisir de réduire ce taux car il sera bien sûr rémunéré sur les frais de gestion pour le suivi du contrat.
Où peut-on trouver des produits à fournir ?
Beaucoup de conseillers considèrent que la véritable valeur ajoutée se fait lorsqu’on est face au client. C’est pour cela qu’un grand nombre de conseillers font le choix de passer par l’intermédiaire de plateformes qui sont comme des centrales d’achat ou des grossistes, si on devait le comparer à la grande distribution. Leur métier est de sélectionner les meilleurs fournisseurs dans le domaine du placement, de l’immobilier etc. Certains conseillers font confiance à ces plateformes pour sourcer ces produits et pouvoir être efficace en clientèle. D’autres font le choix d’aller voir chaque fournisseur en direct, ce qui implique de négocier des commissions et signer des mandats pour pouvoir travailler ensemble. Cela peut permettre d’avoir de meilleures conditions et des liens privilégiés avec certains fournisseurs pour donner un meilleur résultat au client.
La concurrence est-elle forte entre les CGP ?
Je considère qu’il y a un boulevard sur le sujet du conseil. Les banques abandonnent ce terrain, les réseaux bancaires ferment des agences et il y a de moins en moins de proximité avec le client. Les conseillers bancaires doivent être capables de faire tellement de choses qu’ils ne sont plus vraiment spécialistes en conseil patrimonial. De ce fait les conseillers en gestion de patrimoine ont un réel avantage concurrentiel, si on devait les comparer aux conseillers bancaires. Entre CGP on n’est assez peu nombreux par rapport au besoin et les gens ont énormément de questions sur ces sujets. Il peut bien évidemment arriver d’être en concurrence sur certains clients entre différents cabinets. La différence se fera alors par rapport à la relation de confiance et par rapport au ressenti du client sur la qualité du conseil car en termes de produit on peut se trouver assez proches.
Merci pour votre témoignage Mr Barray. Nous espérons qu’il aura éclairé nos lecteurs sur le sujet de la gestion de patrimoine et vous souhaitons une bonne continuation dans cette voie et beaucoup de réussite.
Hugo Soler