Covid-19 : Mesures gouvernementales et conséquences économiques et financières


La covid-19 s’est maintenant installée durablement au sein des sociétés et a obligé de nombreux États à instaurer des mesures strictes et particulièrement contraignantes pour l’activité économique. En France, le gouvernement a particulièrement été attendu pour mettre en place un État Providence tutélaire, dont l’accompagnement (financier particulièrement) doit être à la hauteur des restrictions qu’il applique aux entreprises nationales.  

On tend alors à retrouver le déséquilibre financier aussi récurrent qu’inhérent à l’ingérence gouvernementale en période de crise économique, à savoir une hausse des dépenses publiques corrélée à une baisse des recettes fiscales causée par la dégradation de l’activité économique. Mais alors quelles sont les conséquences économiques et financières des politiques menées par le gouvernement français ? Quelles sont les aides accordées aux sociétés subissant de plein fouet les restrictions administratives ? Vers quel choix s’oriente le gouvernement pour les financer ? Faut-il craindre un retour de l’inflation ? Nombreux sont les points de réflexion à explorer pour prendre conscience du paysage dantesque de l’économie nationale et des finances publiques en cette trouble période.

Quelles sont les premières conséquences économiques et financières estimées de l’épidémie ?

Il y a moins d’un mois, l’INSEE publiait un rapport sur la dégradation de l’activité économique que nous connaissons actuellement. Les chiffres étaient à la mesure de la radicalité du premier confinement. En effet, l’INSEE estime que l’activité économique a chuté de 19% lors du second semestre 2020 par rapport au second semestre 2019. Les conséquences sociales d’une telle chute de l’activité auraient pu être bien pires si l’État n’était pas intervenu massivement. Ainsi, si 23 % des ménages considèrent que leurs revenus ont baissé avec le coronavirus, la baisse moyenne observée sur les revenus bruts des ménages n’est que de 2,6% au cours du premier confinement.

Malheureusement, cette nouvelle crise n’échappe pas au phénomène désormais courant en période de crise, à savoir une hausse des inégalités, avec des ménages modestes plus durement touchés que ceux aisés. On voit donc bien que le chômage partiel massivement mis en place a certes pu préserver l’emploi, mais aux dépends de la sauvegarde des salaires initiaux (le chômage partiel couvre 84% de la rémunération). Il faut savoir que le chômage partiel et technique a impacté un tiers des travailleurs en France et, là encore, les différences entre les catégories socio-professionnelles ressurgissent. Les ouvriers sont les premiers concernés alors que les cadres, dont l’activité se prête plus facilement au télétravail, ont peu connu le chômage (bien que la population la plus épargnée soit les agriculteurs pour des raisons évidentes de constance et de continuité du travail).

A l’échelle macro-économique, la Banque de France a récemment communiqué une prévision de contraction du PIB français de 9% à 10% pour l’ensemble de l’année 2020. Un tel résultat s’explique par un deuxième confinement moins contraignant (diminuant l’activité de seulement 12%) que le premier (qui avait tout de même mené à une contraction de l’activité de 31%). Il faut dire que la première vague de l’épidémie avait causé à elle seule une contraction du PIB estimée à 8,7%.  La Banque de France reste prudente en conditionnant cette prévision à l’évolution de ce deuxième confinement et, plus généralement, à la politique qui sera menée jusqu’à la fin de l’année 2020.

Quelles sont les aides que le gouvernement français a mis en place ?

L’État Français a accompagné les entreprises dès le premier confinement et à l’heure actuelle, le site public dédié aux aides proposées par le gouvernement totalise la bagatelle de 2066 aides. Si, bien sûr, certaines aides paraissent au premier abord complexes et spécifiques (comme les dispositions fiscales relatives aux suramortissements de certains équipements), force est de constater que nombreuses sont les propositions concrètes. Il faut bien reconnaître que le site en question est facile d’utilisation, ce qui constitue en soi un premier gage d’effectivité de la politique de relance de notre gouvernement.

Ces aides peuvent prendre plusieurs formes. Pour n’en citer que quelques-unes (le site fait tout de même mention de douze natures d’aides différentes), les entreprises françaises peuvent bénéficier d’exonérations de charges sociales, de prêts, de subventions, d’allègements fiscaux voire même de participations en capital. 

Mais penchons-nous plus en détail sur les aides mises en avant par le gouvernement, adaptées à la singularité de la conjoncture, et qui concernent de fait le plus grand nombre d’entreprises.

Tout d’abord, le gouvernement a voulu prévenir les pertes d’emplois en mettant en place un recours facilité au chômage partiel. L’objectif est ici clairement de soulager les entreprises du coût de leur masse salariale et donc de ne pas les contraindre à licencier. Aux dernières nouvelles, l’État prend en charge 85% des indemnités versées aux salariés dans la limite de 4,5 fois le SMIC (et ce depuis le 1er juin 2020). Avec la nouvelle vague de Coronavirus, certaines activités peuvent bénéficier d’une prise en charge à 100% des indemnités versées aux salariés (il s’agit des professions mentionnées en annexe du décret du 29 juin 2020, dont notamment les professions du tourisme et de la restauration). La quasi-totalité des salariés peuvent bénéficier de cette mesure, mais cela de manière indirecte : ils continueront d’être rémunérés par l’employeur et c’est à ce dernier que revient la tâche d’en faire la demande et de gérer la procédure administrative.  

La seconde mesure mise en avant par le gouvernement est le prêt garanti par l’État. A l’échelle du pays, ce sont tout de même 300 milliards d’euros que l’État consent à garantir. Cela concerne toutes les entreprises à l’exception de celles ayant connu un redressement (ou une liquidation) judiciaire avant le 1er janvier 2020, des établissements de crédit et des sociétés de financement ou encore certaines sociétés civiles immobilières. Le premier avantage d’un tel prêt est l’absence de remboursement la 1ère année (une vision peut être un peu trop court-termiste : la situation sanitaire pourrait durer plus longtemps). De plus, il est amortissable sur 5 ans, ce qui devrait permettre de dégager une trésorerie bienvenue dans cette conjoncture. Cette mesure place les banques au cœur de la politique du gouvernement puisqu’elles seront en charge d’accorder ces prêts et donc d’étudier les dossiers, de répondre aux demandes et interrogations.  C’est pourquoi les banques s’engagent, selon BPI France, à examiner l’ensemble des demandes qui leurs seront adressées, à transmettre une réponse rapide aux entreprises et à distribuer massivement à prix coûtant les prêts garantis par l’État pour soulager sans délais la trésorerie des professionnels. Selon un communiqué de presse officiel du Ministère de l’Économie, « ce dispositif concrétise la mobilisation générale pour soutenir l’économie française voulue par le président de la République et confirmée par le vote unanime de la loi de finances rectificative pour 2020 ». Cependant, avec le recul qu’on commence à avoir aujourd’hui, on peut être dubitatif au regard de l’effet escompté : de nombreux professionnels se plaignent des difficultés d’accéder à une telle aide qui fut refusée, par exemple, à certaines personnes en procédure de contentieux fiscal, et d’autres estiment qu’elle n’est pas adaptée au caractère maintenant durable de l’épidémie puisqu’il était prévu que le remboursement du prêt devrait se faire par une reprise économique lors de la 2ème année.

Enfin, plus récemment encore, l’annonce du reconfinement le 28 octobre par le Président de la République a été accompagnée par une nouvelle série d’aides pour soutenir les professions « non essentielles » frappées de fermeture administrative. Le gouvernement a promis, en parallèle du maintien du chômage partiel, une aide pouvant atteindre 10 000€ par mois pour combler la perte de chiffre d’affaire, de quoi illustrer à nouveau la stratégie du « quoi qu’il en coûte » adoptée par le gouvernement.

Quelles sont les sommes en jeu ?

Jamais un gouvernement n’avait décidé de contraindre autant son économie nationale. Les conséquences économiques et financières sont donc à la mesure de la radicalité des choix opérés dans cette conjoncture extraordinaire. Rien que pour le premier confinement, l’économiste Patrick Arthus avait estimé, en comparant les vies sauvées (dont il a déduit le nombre à 20 000) à la chute du PIB national (soit 5 points de PIB, ce qui représente 120 milliards d’euros) que chaque vie sauvée entre le 16 mars et le 11 mai 2020 a coûté 6 millions d’euros. Mais le coût de la crise ne s’estime pas seulement en manque à gagner par rapport au PIB de l’année précédente. En effet, cette situation oblige également l’État à mobiliser des ressources, quand bien même ses recettes fiscales sont en chute libre. Le troisième projet de loi de finances rectificative estime une baisse de 93,2 milliards des recettes fiscales par rapport aux estimations prévues par la loi de finances initiale, le détail étant donné en page 16 du projet de loi de finances rectificative 3 de 2020.

L’État a décidé d’un plan de relance de 100 milliards d’euros mené jusqu’en 2022. Ainsi, il a déjà été prévu d’attribuer 15 milliards d’euros pour l’emploi (dont 1 milliard dans la formation), 10 milliards pour les industries (sous forme de baisse d’impôt) et 11 milliards pour les programmes d’investissement d’avenir. Concernant le coût des aides mises en place par l’État, il est encore trop tôt pour les estimer (d’autant plus qu’elles se poursuivent actuellement). Cependant, le chômage partiel mis en place durant le premier confinement aurait déjà coûté 24 milliards d’euros à l’État (ce qui a aidé 8 millions de salariés).

Enfin, la politique de gratuité des tests, dont le coût est supporté par la Sécurité Sociale, et de la prise en charge des malades n’est également pas sans conséquence. Ainsi, en 2020, la Sécurité Sociale devrait connaître un déficit important, de 49 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2019.

Comment l’État prévoit de se financer ?

Si les sommes auxquelles l’État doit faire face sont encore incertaines dans leur montant, elles ne le sont pas dans leur principe, d’où la nécessité pour l’État de trouver des moyens de financement. L’État a alors le choix entre augmenter les impôts pour de meilleures rentrées fiscales ou creuser le déficit. La politique du Président de la République semble plutôt s’orienter vers la seconde option, la première étant en contradiction avec son programme (par ailleurs, son choix de supprimer la taxe d’habitation prive l’État d’une ressource fiscale qui aurait été grandement utile en cette situation).

L’État pourra compter sur l’aide européenne dans sa quête de financement. En effet, l’Union Européenne a mis en place le « Coronavirus Response Investment Initiative », soit un déblocage de 47 milliards d’euros en provenance de fonds structurels.

Faut-il alors craindre un retour de l’inflation ?

L’économiste François Langlet n’exclut pas que la crise du coronavirus fasse ressurgir un phénomène depuis longtemps timide en Europe : l’inflation. Si au niveau macro-économique on ne peut que redouter que l’injection de tant de liquidités dans le cadre des divers plans de relance (l’UE annonce tout de même un plan dans les alentours de 700 milliards) ne dégrade la valeur de l’’euro, il se pourrait bien que l’inflation tire également son origine de concepts davantage micro-économiques.

Premièrement, les comportements de consommateurs voulant constituer des réserves cause la pénurie de certains produits. A titre d’exemple, on ne peut que s’étonner du prix que le gel hydroalcoolique avait atteint au début de l’épidémie, lorsque les approvisionnements étaient encore incertains. En psychologie collective, la peur de manquer crée alors le manque lui-même. Appliqué en économie, cette peur vient influencer la loi de l’offre et de la demande, ce qui crée de l’inflation. 

Deuxièmement, il faut aussi prendre en compte les stratégies des entreprises qui, au regard d’un contexte mondial incertain (où les restrictions fluctuent en fonction des territoires), estiment que les sites de production trop éloignés des lieux de consommation ne sont plus pertinents. On peut alors espérer que la crise du Coronavirus encouragera les relocalisations (mais donc de l’inflation lorsque le coût du travail du pays bénéficiaire est plus élevé).

Cependant, force est de constater que la doctrine s’affronte sur ce sujet. En effet, peut-être ne faut-il pas autant dissocier crise sanitaire et crise économique et que l’argumentaire susmentionné n’est valable que selon l’hypothèse ceteris paribus (i.e. toutes choses égales par ailleurs). En effet, la crise économique, quant à elle, laisse à supposer une possible désinflation ! D’une part le pouvoir d’achat de certains consommateurs s’est dégradé et, d’autre part, le prix du pétrole a tout de même tendance à baisser (chose que l’on peut expliquer par une demande chinoise relativement incertaine).

La situation actuelle est encore bien trop incertaine pour sonder les abimes de l’inflation, et ce d’autant plus que cette dernière se fonde sur une multitude de facteurs (notamment expliqués, pour les intéressés, dans De la difficulté de contrôler l’inflation de R. Shiller).

Voilà de quoi avoir quelques connaissances économiques supplémentaires sur les conséquences de la crise du coronavirus (et sur la crise elle-même d’ailleurs). Les données utilisées, provenant toutes d’institutions officielles, restent tout de fois estimatives et ne sauraient être prises hors de leur contexte. Quelques précautions doivent également être prises au regard de l’originalité de cet exercice d’écriture résidant dans l’analyse d’un phénomène loin d’être encore achevé. Force est de reconnaître que cette regrettable pérennité nous contraint à nous affranchir de la prise de recul pour avoir enfin l’audace d’en formuler les premières analyses.

écrit par Gaëtan Salles


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