Le 18 décembre nous avons interviewé Thomas Perret, diplômé de l’ENSAE et entrepreneur qui vient de lancer sa start-up « Mon Petit Placement » après avoir travaillé en finance à New York en conseil en investissement auprès de fonds de pensions.
Interviewer : Nous savons que vous avez travaillé à New York en conseil en investissement auprès des fonds de pension. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce métier, les compétences qu’il nécessite, la stratégie que vous avez mise en place ?
Thomas Perret : Oui effectivement, j’ai bien travaillé à New York chez Natixis, je conseillais des filiales de grandes entreprises françaises aux US. Ces filiales utilisent les fonds de pension afin de payer la retraite de leurs employés (un fonds de pension est un fonds d’investissement spécifique à la retraite par capitalisation). C’est l’outil de l’épargne retraite. Les problématiques liées à ces fonds sont nombreuses, par exemple si les salaires augmentent ou si les gens vivent plus longtemps que prévu, le fonds peut devenir déficitaire, une partie de mon job consistait donc à anticiper les besoins de ces fonds. La deuxième grosse partie consistait à faire fructifier leurs actifs, et pour faire fructifier ces actifs on proposait des produits financiers réservés à cette clientèle d’investisseurs institutionnels.
Interviewer : Quelles compétences étaient nécessaires dans votre métier d’actuaire ?
Thomas Perret : Je dirais tout d’abord qu’il faut avoir des bases techniques solides et aimer cela car une grande partie du travail consiste à faire des simulations par rapport aux chiffres que l’on a afin d’essayer de prévoir les provisions nécessaires aux fonds de pension. Mais il y a également une partie commerciale car il faut souvent négocier avec les entreprises pour avoir les données nécessaires afin de faire les simulations ou même de décrocher un contrat. La dernière partie est quant à elle plus classique car il s’agit après avoir estimé les fonds nécessaires de faire fructifier le capital et de suivre régulièrement le projet.
Interviewer : Le métier d’actuaire est en France peu connu auprès du grand public et reste à première vue flou, à votre avis quels sont les enjeux futurs de ce métier ?
Thomas Perret : Il est vrai que le nom d’actuaire ne dit rien à beaucoup de français mais quand on y réfléchit bien les data scientists sont des actuaires avec un Mac, un actuaire c’est quelqu’un qui prend les chiffres pour calculer la prime, les risques , choses que font plus ou moins les data scientists. C’est un métier qui est en train d’être démocratisé à travers un autre nom, celui de data scientist, avec des secteurs qui ne sont plus limités à la banque et l’assurance mais partout où il y a de la donnée.
Interviewer : Pourquoi avez-vous fait le choix de travailler dans une banque plutôt qu’une compagnie d’assurance, secteur qui correspondait à priori plus à votre métier ?
Thomas Perret : Je pense que la banque représentait un challenge plus important pour moi, m’apparaissait plus attractive, plus « sexy », là où l’assurance semblait plus monotone.
Interviewer : En tant qu’ancien new-yorkais vous avez directement été confronté à ce qui constitue l’essence même des fantasmes sur les métiers de la finance à savoir la finance new-yorkaise, quel a été votre ressenti ?
Thomas Perret : Cela dépend, il faut tout d’abord préciser que Natixis est une banque d’investissement française même si dans le personnel beaucoup ne l’étaient pas. Donc la culture américaine se faisait sans doute un peu moins ressentir. Mais ce qui m’a frappé c’est qu’ils font du 8h-18H30 (heures des marchés), des horaires assez corrects mais ils sont beaucoup plus efficaces que nous. Ils font peu de pause, travaillent intensément. C’est d’ailleurs quelque peu mal vu de finir tard car cela veut dire que tu n’es pas productif. Même le midi ils ne prennent que très peu de temps pour manger contrairement à nous qui sommes habitués à ce qu’ils appellent le « french lunch » (1h30 de pause). Donc intense mais tu as une vraie vie. Mais la vie new-yorkaise est stressante à côté. Sur l’aspect cliché, il est présent sur les tenues et sur la façon de parler. Tout le monde en costume 3 pièces « même si tu es la dernière des quiches ».
Interviewer : Comment s’est passée la transition entre employé et entrepreneur ?
Thomas Perret : En rentrant sur Paris j’ai eu une grosse désillusion car le job n’était plus aussi passionnant et d’un point de vue possibilités et challenge je ne trouvais pas cela fou. Donc j’ai commencé à me creuser la tête sur que faire (pas envie de changer de banque car je m’entendais bien avec Natixis). Et assez vite j’ai mis mon boss dans la boucle et je lui ai dit que je souhaitais lancer ma start-up, cela a permis un échange clair, et donc une collaboration saine. Aujourd’hui, Natixis est d’ailleurs la banque avec laquelle nous collaborons. Une autre conséquence de cette discussion est que cela m’a poussé à aller au bout de mon projet car je ne pouvais plus vraiment faire machine arrière.
Interviewer : Vu que vous êtes maintenant directeur d’une entreprise qui propose à des petits budgets de faire de l’épargne financière avec des produits financiers « VIP », quelles seraient pour vous les facteurs les plus importants à prendre compte pour placer son argent ?
Thomas Perret : Il faut tout d’abord prendre en compte l’horizon d’investissement. Il y a généralement un lien de 1 pour 1 entre risques et opportunités lorsque tu investis. Donc si t’es prêt à avoir un gros horizon d’investissement on peut aller sur des produits plus risqués, car on peut se permettre d’attendre que le produit remonte. A l’inverse si l’horizon d’investissement est court (1 an), il vaut mieux investir dans des produits moins risqués même s’ils rapportent potentiellement moins.
Il faut également arriver à bien connaître le produit, afin d’éviter d’avoir des pertes sans pouvoir les comprendre ou sans pouvoir les anticiper. Les frais (société de gestion, l’assurance vie + compagnie d’assurance + le distributeur banque finale + frais de compte) sont aussi importants à prendre en compte car ils peuvent diminuer drastiquement les bénéfices. On peut perdre jusqu’à 70%. Il faut donc aller le plus à la source et limiter les intermédiaires parce que sinon « tout le monde se sert ». Je conseillerais également de commencer à investir tôt car plus on commence tôt plus on peut gagner de l’argent qui va travailler pour nous et nous rapporter encore plus. Mon dernier conseil et qui est surement un des plus importants est d’investir de manière régulière car on peut aller sur des produits plus risqués et être sûr de ne pas juste rentrer quand le produit est au plus haut.
Interviewer : Merci beaucoup pour le temps que vous nous avez accordé et pour l’amabilité avec laquelle vous avez répondu à toutes nos questions.
Interviewers : Edouard Leroux et Lucas Giordimaina