Par Nicolas Maurice et Mathilde Derambure
Les fonds souverains des pays du golfe sont connus dans le monde entier. En raison de forts profits issus notamment de l’industrie pétrolière, beaucoup de pays investissent à l’étranger. L’exemple le plus connu est le fond souverain du Qatar, La Qatar Investment Authority, qui investit abondamment en Europe et notamment dans le sport avec le PSG.
Tous ces investissements leur permettent de sortir de leur économie de rente et de diversifier leurs rendements, mais participent aussi au soft power du Moyen Orient dans le monde. L’économie et la finance sont ainsi de vrais outils pour les pays du golfe, et leur permettent de soutenir leur soft power. Mais comment cela fonctionne-t-il ? Vous trouverez dans cet article une analyse des principaux leviers économiques et financiers du soft power des pays du golfe dans le monde.
Les aéroports et compagnies aériennes comme outils
Le transport aérien est l’une des nombreuses forces que détiennent les pays du golfe au travers de leurs compagnies aériennes nationales mais également de leurs aéroports, véritables plaques tournantes du secteur aérien mondial. Dubaï avec Emirates, Abu Dhabi avec Etihad Airways, et le Qatar avec Qatar Airways. Ces trois géants du secteur aérien sont parmi les meilleures compagnies aériennes du globe et se servent ainsi de leur influence pour en faire profiter leur territoire.
En effet, ces compagnies essaient au maximum d’intégrer une correspondance au sein de leur pays lors des trajets long courrier. La volonté affichée est de permettre aux voyageurs de rejoindre n’importe quel point du globe. C’est ce qu’on appelle un « hub aéroportuaire », soit un aéroport choisi par une compagnie aérienne pour être une plateforme de correspondances.
Ces hubs ont été développés grâce à une politique volontariste des pays du golfe et ils concurrencent fortement les principaux hubs européens comme celui de Paris-Charles-de-Gaulle. Les émirats mettent en avant le fait d’être un carrefour entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique. Ainsi, depuis dernières années, les compagnies aériennes du Golfe se sont développées de manière exponentielle.
La demande régionale étant limitée, ces plateformes de correspondances sont plus qu’importantes pour la croissance mais également le tourisme. Si l’on prend les données de 2019 (l’année 2020 ayant été marquée par la pandémie de Covid-19 et l’effondrement du trafic aérien), on peut constater que l’aéroport de Dubaï pointe à la quatrième position des aéroports les plus fréquentés au monde. Pas moins 86 millions de voyageurs ont ainsi mis un pied à terre sur le sol émirati.
Ces hubs s’affirment alors comme des véritables outils du soft power des états du golfe. Effectivement, les nombreuses escales au sein de leur territoire permettent aux compagnies aériennes de faire la promotion du tourisme local. Ces aéroports sont bien plus qu’une simple plateforme de transit. L’enjeu est d’inciter les passagers à prolonger l’escale pour actionner le tourisme et ainsi diversifier les activités économiques locales au-delà du transport et du commerce.
Les compagnies mettent alors en place des escales dites « longues » en proposant des séjours à prix réduits permettant de visiter les villes où se situent les hubs. Un réel enjeu économique s’inscrit donc dans ces escales afin de rentabiliser au maximum le transit des voyageurs. En proposant des visites de lieux culturels, de musées, ou encore d’événements sportifs lors de ces haltes, les pays du golfe peuvent ainsi se servir de leurs hubs pour développer à la fois l’économie locale et leur soft power.
Le soft power générÉ par les grandes entreprises pétrolières

Le deuxième levier d’expression du soft power des pays du golfe émane des compagnies pétrolières. Souvent publiques et proches du pouvoir, elles sont de vrais véhicules de la politique de leur pays. Nous prendrons pour illustrer cela l’exemple de la Saudi Aramco, l’entreprise pétrolière phare de l’Arabie Saoudite dans un souci de simplicité et de meilleure compréhension.
La couverture médiatique offerte par ces entreprises est le premier outil au service de la diplomatie des pays. Lors de son introduction en bourse en 2019, la Saudi Aramco avait bien entendu attiré les regards des investisseurs, mais aussi du grand public par de spectaculaires levées de fonds et une valorisation exceptionnelle.
Les médias avaient ainsi accordé une attention particulière à cette entreprise, qui a occupé pendant des mois le devant de la scène médiatique grâce à une levée de fonds de 25,6 milliards de dollars, et à une valorisation de 1 700 milliards. Cela a fait d’elle l’entreprise la plus chère du moment, même devant les grandes entreprises américaines telles qu’Apple, semblant poser l’Arabie Saoudite comme un pays leader, ayant un rôle économique et financier exceptionnel.
Ces grandes entreprises offrent aussi à leur pays d’origine une image positive, véritable outil de diplomatie. Sur la question du développement durable, « Aramco se donne pour objectif de réduire à zéro ses émissions nettes d’ici 2050 », pour reprendre les mots de son PDG Amin Nasser lors du forum « Saudi Green Initiative ».
Au-delà des initiatives et déclarations d’une entreprise pétrolière pour améliorer sa réputation, c’est celle de tout un pays qui est touchée. L’entreprise étant publique et proche du pouvoir, elle médiatise et incarne les projets de neutralité carbone de l’Arabie Saoudite présentés par le prince héritier Mohammed ben Salmane.
Pour terminer, ces entreprises sont aussi des outils au services du soft power des pays du golfe par les évènements sportifs qu’elles organisent. À travers Aramco Saudi ladies, un tournoi de golf, ou encore un partenariat avec la Formule 1, ce grand groupe pétrolier permet de faire faire connaitre l’entreprise et l’Arabie Saoudite des passionnés de sport tout en soignant son image.
Un système fiscal souple pour attirer les célébrités
Les pays du golfe s’affirment également comme la nouvelle terre promise pour les célébrités. Entre absence d’impôt sur le revenu et météo ensoleillée toute l’année, ces pays attirent de plus en plus les têtes d’affiche du cinéma, de la télévision ou du sport, de quoi développer économie et soft power.
Les pays du golfe n’ont, en effet, jamais trouvé nécessaire de mettre en place un système d’impôt sur le revenu de leurs habitants, leur système économique étant fondé sur la possession de pétrole. Ce système permet alors de faire venir toutes sortes de vedettes qui servent tout autant les intérêts des pays du Moyen-Orient. L’exemple le plus parlant est Dubaï qui accueille chaque année de plus en plus d’influenceurs, acteurs et sportifs venus du monde entier. Le ministère du Tourisme de cet émirat a même créé un pôle spécial pour les influenceurs. Le but étant de les inviter dans les hôtels ou restaurants de la ville en échange de posts sur leurs réseaux pour faire augmenter le tourisme local.
Le soft power, ce pouvoir de convaincre, est donc utilisé par les dirigeants émiratis via ces célébrités qui vont exposer, d’une certaine façon, leur mode de vie et donc attirer de encore plus de visiteurs. D’ailleurs, en 2019, le secteur du tourisme à Dubaï a connu une croissance de 5,1%, accueillant près de 17 millions de visiteurs internationaux. Économiquement parlant, ce système est un réel enjeu pour Dubaï pour lequel le ministère du Tourisme dispose de plusieurs millions d’euros de budget. Le retour sur investissement semble être très bon puisque les Émirats sont le pays du Golfe qui draine le plus de visiteurs et qui gagne le plus d’argent via le tourisme, avec 21,8 milliards de dollars récoltés, devant l’Arabie Saoudite et ses 19,8 milliards de dollars récoltés en 2019. Outre le mode de vie, cette influence sert également les intérêts des pays dans la mesure où les célébrités vont servir à défaire un certain nombre de préjugés comme par exemple le manque de liberté d’expression dans ce type de régions.
Les pays du golfe vont donc se servir de leur influence, ou puissance, douce pour servir leurs intérêts et enjeux économiques dans tous types de secteurs comme l’aviation, le tourisme ou le pétrole.
Figure 1 : les moyens d’expression du soft power des pays du golfe via les entreprises pétrolières.
Le deuxième levier d’expression du soft power des pays du golfe émane des compagnies pétrolières. Souvent publiques et proches du pouvoir, elles sont de vrais véhicules de la politique de leur pays. Nous prendrons pour illustrer cela l’exemple de la Saudi Aramco, l’entreprise pétrolière phare de l’Arabie Saoudite dans un souci de simplicité et de meilleure compréhension.