La pensée de Von Hayek


 

            Aujourd’hui, qui se souvient de Friedrich Von Hayek ? Il n’est pas aussi connu que Karl Marx ou John Maynard Keynes et pourtant il a eu une grande influence à la fin de sa vie sur la révolution libérale. Il a également obtenu le prix Nobel d’économie en 1974. Il est donc intéressant de se pencher sur ses idées. Il appartient à l’école autrichienne qui a une grande influence de nos jours sur la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne.

On peut donc s’interroger sur la pensée de Von Hayek à travers son histoire, son époque, les idées économiques et les politiques misent en œuvre.

Un homme marqué par ses origines autrichiennes

Friedrich Von Hayek est né le 8 mai 1899 à Vienne, son père est professeur de botanique et il est le cousin du philosophe Wittgenstein. Comme la plupart des économistes, ses idées sont marquées par sa vie et son époque. Il a connu la fin de la Belle Epoque, la Première Guerre mondiale, la fin de l’empire Austro-Hongrois, la crise des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale. Il appartient à l’école autrichienne et par conséquent porte un regard critique sur les interventions étatiques dans l’économie et les politiques monétaires.

 

Des idées influencées par son époque et son histoire personnelle

Il est né en Autriche et a connu la fin de l’empire Austro-Hongrois. Il a été fortement marqué par la période d’après-guerre et l’hyperinflation. L’hyperinflation est un phénomène économique qui décrit une hausse très rapide et très élevée des prix ; et par conséquent la monnaie perd rapidement sa valeur. Les répercussions de cette situation sont profondément négatives car face à l’instabilité des prix les commerçants tentent de refuser la monnaie locale, freinant les échanges commerciaux. Ainsi, l’instabilité, comme toujours, nuit à l’économie. L’école autrichienne à laquelle il appartient se distingue des autres écoles de pensée par l’importance qu’elle accorde à la politique monétaire et à la limitation de l’inflation. En effet, l’inflation est une perte de valeur de la monnaie qui nuit aux petits épargnants et aux entreprises. De plus, l’épisode de l’hyperinflation a traumatisé les Autrichiens et les Allemands ; ce qui explique la politique monétaire de la BCE. L’objectif de la BCE est de limiter l’inflation à 2% contrairement à la Banque Fédérale américaine qui doit assurer le plein emploi et la stabilité des prix.

En 1938, il décide de se faire naturaliser britannique par refus de devenir citoyen du Troisième Reich, après l’annexion de son pays par l’Allemagne nazie. Toute sa vie il combattra les idées totalitaires et défendra les idées favorables aux libertés individuelles, à commencer par les libertés liées à l’économie. Il décrit précisément comment le socialisme, autrement dit l’implication croissante de l’Etat dans l’économie, aboutit aux totalitarismes tels le national-socialisme ou le socialisme soviétique. Ainsi, pour lui, l’interventionnisme est une pente qui mène à la dictature.

 

Un ardent défenseur de ses idées malgré des circonstances peu favorables

En Angleterre, ses idées n’étaient pas majoritaires et étaient rejetées massivement par l’opinion public et les élites politique et économique.  Néanmoins, il n’a jamais cessé de défendre ses idées en faveur de l’initiative individuelle, de la libre concurrence et de la réduction du poids de l’Etat dans l’économie. En effet, après la guerre, le Royaume-Uni est un pays qui applique les idées de Keynes et construit un Etat providence développé. Il a longtemps été rejeté par ses paires et mis au banc des milieux académiques dominants. Son livre La route de la servitude connut un grand succès au début de l’après-guerre mais lui donna l’image d’un polémiste. Il a longtemps milité pour la promotion du libéralisme au sein de la Société du Mont-Pèlerin qu’il co-fonde en 1947.

 

L’importance de la liberté et de l’économie

La grande idée de Friedrich Von Hayek – qu’il développe particulièrement dans La route de la servitude – est que les libertés liées à l’économie sont le préalable aux autres libertés comme la liberté d’expression ou d’opinion. Il s’attaque à l’idée selon laquelle l’économie est une discipline de second rang et que la production n’a pas d’influence sur l’organisation sociale. Il fait le constat que dans les pays autoritaires et totalitaires la mise sous tutelle de l’économie précède l’implantation du nouveau régime politique. Ainsi, les plans quinquennaux en URSS ou quadriennaux dans le Troisième Reich permirent d’assoir le pouvoir des dictateurs sur l’ensemble de leur pays au-delà du seul aspect économique. En effet, le contrôle de la production entraîne le contrôle de l’exploitation des ressources et l’organisation du travail. Par conséquent, une grande partie du temps – le temps travaillé – passe sous le contrôle de l’Etat. Ensuite, la production est orientée et sert les intérêts de l’Etat et de ceux qui le dirigent. Par exemple, la production d’armement en Allemagne ou en URSS est faite au détriment des biens d’équipement nécessaires à la population. Hayek montre que le citoyen perd d’abord ses droits de consommateur : ses choix sont restreints puisque c’est l’Etat qui définit quels produits sont fabriqués à travers des normes ou le contrôle de la production. Ainsi, le citoyen ne peut plus choisir ce qu’il peut acheter et par conséquent quels vêtements porter ou quoi manger. De plus, le contrôle de la production des journaux, des livres et des médias permet de contrôler l’information. De ce fait, Hayek nous assure que la production n’est pas quelque chose de négligeable. Au contraire, la liberté économique est le socle de la démocratie et l’unique moyen de se préserver d’un Etat qui s’introduit de plus en plus dans la vie privée des individus.

 

Les liens étroits entre l’économie et la politique

Il souligne à travers son œuvre le lien étroit qu’il existe entre la sphère politique et la sphère économique. En effet, il ne nie pas que le pouvoir politique est en capacité d’imposer ses décisions sur les entreprises et transformer la société. De la même manière, la politique monétaire a une influence directe sur l’économie. Or, cette politique est souvent dirigée par les hommes politiques. Par exemple, après la Première Guerre mondiale, l’Allemagne et l’Autriche ont beaucoup créé de monnaie afin de rembourser leur dette (ils ont fait fonctionner la machine à billets) et cela a créé une hyperinflation. L’économie a ainsi été désorganisée et le chômage a fortement augmenté. Par conséquent, une politique qui visait à améliorer la situation économique d’un pays en le désendettant a eu les conséquences inverses.

Toutefois Hayek avait conscience qu’un Etat était nécessaire et qu’il permettait de faire vivre la démocratie et de lutter contre des phénomènes économiques comme la constitution de cartels ou de monopoles.

Il était également en faveur de la concurrence des monnaies, c’est-à-dire un système monétaire dans lequel les banques centrales perdraient leur monopole sur la création de la monnaie. Dans son ouvrage Pour une vraie concurrence des monnaies, il défend l’idée qu’il faudrait laisser différentes monnaies qui se concurrenceraient et permettraient aux citoyens de choisir la monnaie qui leur conviendraient le mieux. Selon la BCE, ce livre de Von Hayek serait le fondement théorique des cryptomonnaies telles que l’Ethereum ou le Bitcoin.

 

 La foi en l’individu

Friedrich Von Hayek croit que l’individu est capable de savoir ce qui est bon pour lui et que ce n’est pas à l’Etat de le définir. Par conséquent, il s’oppose aux personnes qui pensent qu’il faut s’occuper des plus faibles en les contraignant à participer à des formes d’assurance collective. Il dénonce le fait que très souvent ce type de protection collective finit par profiter à une minorité. Il a la ferme conviction que chaque homme est en capacité de faire les bons choix.

De plus, il considère que le marché est la somme des décisions individuelles car chaque action de vente et d’achat fait fluctuer le prix des marchandises et des services. Ce marché n’est alors pas sous le contrôle d’un groupe minoritaire et est donc plus juste. En effet, la faillite d’une entreprise est, dans ce système, due à une inadéquation entre l’offre et la demande ; alors que dans un système socialiste elle serait due aux choix du gouvernement. Ainsi, le marché n’est pas parfait mais il est plus juste car il est orienté par une multitude d’acteurs.

 

Son influence sur la révolution libérale

Von Hayek a beaucoup influencé la révolution libérale grâce à ses idées. Les années 1970 ont été une période de basculement dans l’économie mondiale et dans les sociétés occidentales. L’idée d’Hayek selon laquelle la sécurité d’un nombre restreint de personnes augmente l’insécurité de tous les autres est aujourd’hui couramment admis. Par exemple, la garantie d’avoir un travail pour certain membre d’un syndicat ou de la fonction publique entraine plus de précarité pour ceux qui ne bénéficient pas de ces protections. En effet, les différentes conjonctures économiques appellent à des adaptations comme le changement de travail pour un certain nombre d’employés. Durant les années 1970, l’Angleterre connait une période économique mauvaise et la société est sclérosée. Les syndicats ont obtenu une place importante et un pouvoir fort dans la société et ils ont le pouvoir de refuser l’embauche d’un salarié contre l’avis des recruteurs. Margaret Thatcher a pu alors développer un discours opposant la majorité silencieuse de la population qui subissait le diktat d’une minorité qui défendait ses privilèges au détriment de l’intérêt général.

 

Ses liens avec Margaret Thatcher

La Dame de Fer a beaucoup été inspirée par Hayek et adhérait à sa critique de la planification à une époque où l’URSS semble toujours aussi menaçante. Elle a, comme Ronald Reagan, nommé des personnes proches d’Hayek dans son gouvernement, comme Keith Joseph ou Norman Tebbit.

Toutefois Hayek n’était pas conservateur et a d’ailleurs écrit un essai intitulé Pourquoi je ne suis pas un conservateur dans lequel il critique le conservatisme. En effet, le conservatisme ne s’adapte pas aux évolutions de la société et d’une certaine manière limite les libertés individuelles.

 

L’infusion de sa pensée dans les discours économiques actuels

De nos jours, peu de personnes font référence à Von Hayek dans les médias pourtant il a tout de même une certaine influence. Tout d’abord, lorsque l’on fait référence à la révolution libérale ou à Ronald Reagan, d’une certaine manière nous faisons référence à la pensée d’Hayek. De nos jours, la pensée économique est dominée par les néo-libéraux et par conséquent les discours sur la dette, la politique monétaire et l’interventionnisme sont inspirés par les idées d’Hayek. On entend souvent que les prestations sociales doivent diminuer, que l’Etat doit baisser ses dépenses et privatiser ses entreprises. Ainsi, la pensée libérale domine et a permis l’augmentation du pouvoir d’achat et une modification profonde de notre rapport à l’économie.

Pour finir, Friedrich Von Hayek a participé à l’évolution de l’économie politique et à l’élaboration de la pensée libérale actuelle. Ses positions sur la défense de la liberté et la libre concurrence, y compris des monnaies, servent encore de base de réflexion pour de nombreux économistes et entrepreneurs. Il peut à la fois plaire aux libéraux, aux conservateurs et aux libertariens. Ses idées ont influencé et influencent encore les politiques des Etats et les initiatives des entrepreneurs. La manière dont il a inspiré la révolution libérale fait de lui l’un des économistes qui a le plus influencé le monde dans lequel nous vivons. Ses idées continueront à être la source de futures innovations qui changeront la société dans les années à venir. Il ne semble donc pas inapproprié de relire les œuvres de Friedrich Von Hayek aujourd’hui.


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