Le montant des transferts de joueurs a atteint un montant record de 6,37 milliards de dollars en 2017. Le mercato a généré plus d’investissements que de nombreuses industries. Outre-manche, le football s’affiche au 2ème rang des secteurs les plus dépensiers devançant la grande distribution ou encore l’immobilier.
Longtemps jugé inhospitalier, le football attire désormais les banques d’affaires et les fonds d’investissement qui voient à travers le développement d’un football mondialisé, des opportunités d’investissement uniques notamment via le rachat de clubs. Tour d’horizon des raisons qui poussent les apporteurs de capitaux à investir dans ce « nouveau produit financier ».
Les Hedge Funds à l’assaut du football français
William McGregor déclarait déjà en 1905 : « Football is a big business », et ce n’est pas près de s’arrêter ! Les grands clubs européens ont longtemps été détenus par de grandes fortunes souhaitant assouvir une passion ou acheter de l’influence (F. Pinault à Rennes ou R. Abramovitch à Chelsea). Aujourd’hui l’actionnariat des clubs de football connait une profonde mutation, et de nombreux investisseurs font le pressing pour investir dans ce « nouveau produit financier » désormais jugé profitable.
Dernièrement, c’est Joseph DaGrosa, fondateur du fonds d’investissement américain General American Capital Partners (GACP) qui a eu le feu vert du conseil de Bordeaux Métropole pour le rachat des Girondins de Bordeaux à M6. D’autres hedge funds ont déjà pris un temps d’avance en France comme Elliot Management au LOSC, IDG Capital à l’Olympique Lyonnais, ou encore le fonds Amber Capital au RC Lens qui est dirigé par un ancien de Lehman Brothers et de Goldman Sachs.
Les clubs français sont devenus une des cibles prioritaires de ces fonds grâce à un prix d’entrée moins chers qu’en Espagne, en Angleterre ou en Italie. En effet, le Milan AC aurait été vendu entre 500 et 700 millions à un consortium chinois, Liverpool a été vendu 800 millions d’euros quand Franck McCourt a déboursé « seulement » 45 millions pour racheter l’Olympique de Marseille.
Bénéficiant de prix abordables, le football français est donc devenu un nouvel eldorado pour les investisseurs.
Le trading de joueurs au cœur du business model
Le trading de joueurs est devenu un véritable appât pour les investisseurs étrangers. L’exemple le plus marquant du « Trading de joueurs » est le modèle de l’AS Monaco qui sert aujourd’hui d’exemple aux investisseurs. Depuis son rachat, le club de la Principauté est devenu une machine à cash avec pour objectif de former des jeunes, leur faire prendre de la valeur puis les revendre en réalisant une plus-value. L’AS Monaco a réalisé un retour sur investissement de plus 600% avec les ventes de Kylian Mbappé, Bernardo Silva, ou encore Benjamin Mendy. En un an, le club a réalisé 500 millions d’euros de ventes. Cette culbute financière a donné des idées à de nombreux autres fonds d’investissement comme Elliot Management à Lille ou Peak6 à Saint-Etienne qui souhaitaient baser leur stratégie sur ce modèle.
Trading de joueurs à l’AS Monaco
Profiter de l’explosion des droits télévisés et de la médiatisation
La hausse des droits télévisés est l’autre grande raison expliquant l’arrivée massive des investisseurs (notamment en France). En effet, les clubs de Ligue 1 vont se répartir plus d’un milliard d’euros à partir de 2020 par an grâce au contrat record signé avec le groupe espagnol Mediapro (cf. article GFS – Vivendi).
Les investisseurs profitent et vont profiter d’une médiatisation mondiale, et profitent « d’un passeport » pour intégrer le tissu local. En effet, investir dans le club d’une ville va permettre à des fonds d’investissement de gagner en crédibilité sur les marchés via l’acceptation de prêts, et de tisser des liens avec les élus locaux en vue d’investir dans de futurs projets lucratifs dans l’hôtellerie, le BTP, ou le maritime. Par exemple, le cheikh Al-Thani a investi au Malaga CF avec sa société d’investissement NAS dans l’objectif de se positionner sur un projet immobilier de grande ampleur et sur la construction d’un nouveau port dans la ville andalouse.
Préparer la revente via la valorisation du club
Les clubs de football sont devenus des entreprises comme les autres et profitent de l’explosion des recettes liées au sponsoring et au marketing. Avec un montant de 29,9 Milliards €, la valeur financière totale des 32 plus grandes équipes de football européens a encore augmenté de 14 % entre 2016 et 2017 (KPMG). Un club est en mesure de dégager des revenus réguliers pour des investisseurs grâce à son système de billetterie, au sponsoring, au naming des stades, au merchandising, ou encore à l’exploitation du stade. Le club peut dégager des bénéfices quand il contrôle ses charges comme la masse salariale des joueurs, les indemnités ainsi que les amortissements des transferts de nouveaux joueurs.
Pour les investisseurs, ces critères sont primordiaux afin de valoriser au mieux son club avant une possible revente. En effet, comme l’indique Joseph DaGrosa à la tête du rachat des Girondins de Bordeaux « Nous allons rester 5 ou 10 ans ». Dr Tom Markham, expert financier britannique a établi le modèle financier Markham Multivariate Model permettant de juger au mieux la valorisation financière d’un club en prévision d’une revente :
Club Valuation = (Revenue + Net Assets) x ((Net Profit + Revenue)/Revenue) x (Stadium Capacity %) ÷ (Wage Ratio %)
Du côté de l’Angleterre, la famille Glazer, propriétaire de Manchester United, a presque quintuplé sa mise en moins de 13 ans. En France, et malgré des résultats sportifs en demi-teinte, Colony Capital a doublé sa mise dans le PSG entre 2006 et 2011.
Un produit financier à risque ?
Gérard Lopez pour Le Figaro : « On peut voir le foot comme une usine complètement folle qui produirait un bon produit une semaine puis un mauvais la semaine suivante. Imaginez gérer cela dans le monde des affaires ! »
L’équation financière d’un club de football reste néanmoins complexe puisqu’elle repose à la fois sur des actifs humains et des risques économiques étroitement liés aux résultats sportifs. En effet, les actifs comme les joueurs peuvent perdre en valeur en fonction des performances et mettre en péril en seulement quelques semaines l’ensemble de la structure de l’entreprise et le projet du fonds d’investissement.
NOËLLEC Guyliann
Sources :
http://www.ecofoot.fr/fonds-investissement-dangereux-football/
https://www.youtube.com/watch?v=KPxDhfDnoAU&frags=pl%2Cwn
https://www.youtube.com/watch?v=gBHPCHQFQPc&frags=pl%2Cwn
https://www.franceinter.fr/emissions/secrets-d-info/secrets-d-info-03-juin-2016