Les NFT’s, folie passagère ou continuum de l’avènement de la blockchain et des cryptomonnaies ?


De Guillaume Stenou

Avant toute chose, clarifions. Un NFT, Non Fungible Token ou Jeton non-fongible en français, est un titre de propriété unique et numérique pouvant se matérialiser comme une image, une vidéo, un fichier audio… Ce titre de propriété est possible grâce à la blockchain. La blockchain, ou chaîne de blocs en français, est une base de données transparente, ouverte à tous disposant d’un haut niveau de sécurité et indépendante de tout organe de contrôle ou régulation. Grâce à la blockchain, il est possible pour n’importe qui de retracer des historiques de transactions et donc d’identifier le propriétaire d’un NFT, d’une crypto-monnaie etc. 

Cela semble encore flou, c’est normal. Prenons un exemple concret. Ce qui authentifie Mona-Lisa, l’œuvre de Léonard de Vinci, c’est en partie sa signature. Alors quand bien même vous pouvez avoir une reproduction exacte de ce tableau, il n’aura jamais la valeur de celui de Léonard de Vinci, car celui-ci ne sera pas authentique. Ainsi, un NFT permet d’être authentifié grâce à la blockchain. Dorénavant, grâce à celle-ci, n’importe quel objet numérique sera intrinsèquement relié à son propriétaire. 

La presse de masse a réellement commencé à s’intéresser aux NFT’s en mars 2021 lorsque Christie’s a vendu aux enchères une œuvre numérique baptisée “Everydays : The first 5,000 Days (2021)” pour la modique somme de 69,3 millions de dollars… Un record.

Depuis, un réel engouement est né. Quelques jours après cette annonce, Jack Dorsey, le créateur de Twitter a annoncé vendre un NFT du premier tweet écrit sur Twitter par lui-même. “just setting up my twttr” a été adjugé 2,9 millions de dollars. Le New York Times a, de son côté, annoncé avoir vendu un article pour plus d’un demi-million de dollars dans le but de tester le marché et élargir le champ des possibles des NFT’s. Tiktok, de même, a annoncé avoir l’intention de mettre en vente une collection de 6 Tiktok devenus cultes incluant une de vidéo de Lil Nas X ou encore Bella Poarch. 

Mais d’où viennent les NFT’s ? 

En 2015, après d’importantes évolutions sur les blockchains Bitcoin et Ethereum (une autre cryptomonnaie), sont apparus les premiers NFT. Il s’agissait à l’origine de ressources pour les jeux vidéo ou encore des « mèmes » à collectionner. Le premier succès NFT a été le projet cryptokitties, un projet né le 28 novembre 2017 dont le but est de collectionner des chatons numériques uniques. Les utilisateurs peuvent générer de nouveaux chatons à partir des chatons qu’ils détiennent déjà. Le 2 décembre un des cryptokitties fut vendu 117.712 $ et le 4 décembre 11 % des échanges de la blockchain Ethereum étaient consacrés à la validation des transactions de cryptokitties.

C’est cette même année, en 2017, que sont créés les CryptoPunks : un autre projet NFT développé par deux amis, Matt Hall et John Watkinson. Leur idée : créer 10 000 personnages pixelisés et uniques avec chacun des caractéristiques particulières. Très vite, ces CryptoPunks sont repérés par les plus grands comme Anne Bracegirdle, anciennement Associate and VP chez Christie’s.

Mais si on parle autant de ces CryptoPunks, c’est parce que malgré leur “ancienneté”, ils s’échangent aujourd’hui à prix d’or. Le plus célèbre de tous, le CryptoPunk7523 fut cédé pour 11,8 millions de dollars. 

Un marché en pleine bulle spéculative ? 

OpenSea la plateforme numéro un mondial d’échange de NFT a publié les volumes d’échange sur sa plateforme depuis sa création :

  • 2018 : $473k
  • 2019 : $8 millions
  • 2020 : $24 millions
  • Début août 2021 : $1.02 billions
  • 8 novembre 2021 :  $10.33 billions

Des volumes d’échange avec une croissance exponentielle qui nous rappelle les précédentes bulles spéculatives des crypto-monnaies. Mais là où en 2017 les crypto-monnaies étaient décriées par le monde de la finance classique, aujourd’hui cette finance classique s’emballe dès lors qu’une entreprise parle de NFT.

Preuve en est, Artmarket.com, entreprise spécialisée dans la cotation d’œuvres d’art a annoncé vouloir lancer sa propre plateforme d’échange de NFT’s. Cette annonce a conduit à une augmentation de 330 % de son cours boursier entre le 8 et le 15 novembre. 

Autre exemple, Crypto Blockchain Industries, entreprise fondée par Frédéric Chesnais, le repreneur d’Atari en 2013. L’entreprise, introduite en bourse sur EuronextGrowth fin octobre, souhaite créer sa propre métaverse et lancer des projets autour des NFT’s. Résultat, la valorisation de l’entreprise est passée de 38,7 millions d’euros à près d’un milliard en trois semaines, soit 3000 % d’augmentation… 

Ce n’est pas tout, cette “euphorie” s’empare aussi de la tech. Et nous en avons un bel exemple en France : Sorare. L’idée est simple : acquérir et collectionner des cartes numériques de véritables joueurs de football pour composer des équipes et affronter d’autres joueurs. Les joueurs de Sorare peuvent acheter et revendre leurs cartes entre eux. Pour gagner des matchs, il faut avoir les meilleures cartes possibles.

Ces cartes sont ainsi devenues un jeu pour certains et un objet de collection susceptible de prendre de la valeur pour d’autres. Après 3 ans d’existence, l’entreprise d’une trentaine de salariés a annoncé en septembre dernier un nouveau tour de table (série B), mené par SoftBank pour une valorisation (post money) de 4,3 milliards de dollars… 

Dans un secteur où tout semble aller très vite, il y aura forcément des hauts et des bas. La folie actuelle n’est peut-être que passagère néanmoins celle-ci semble ouvrir les prémices d’un futur marché qui ne fera que renforcer l’intensification de la virtualisation de notre monde, de nos échanges et de notre vie. 


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