Macron vs. Le Pen : deux programmes économiques qui s’opposent


Par Alexis Renault

Au lendemain du premier tour de la présidentielle, les attentes des Français en matière d’économie sont importantes. Alors que l’issue du deuxième tour n’est pas encore déterminée au moment où ces lignes sont écrites, nous allons nous efforcer de clarifier les programmes économiques des deux candidats à l’Élysée. Marqué par un contexte inflationniste prépondérant, le thème du pouvoir d’achat est au cœur de la préoccupation de la population et a été le sujet le plus déterminant du vote au premier tout pour 58 % des Français (Ipsos – Sopra Steria).

Avec une hausse du pouvoir d’achat de 294 € par an et par ménage depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir en 2017 (OFCE), le bilan de son premier quinquennat lui permet de gagner en crédibilité sur sa capacité à mettre en place une politique économique efficace. Néanmoins, la hausse de la part des dépenses contraintes dans le revenu disponible brut des ménages est passée de 12 % en 1960 à 30 % en 2019 avant même la hausse brutale des prix de l’énergie engendrée par le conflit ukrainien. Nous allons donc analyser les propositions économiques des deux candidats pour relever ce récent défi et soutenir l’économie française dans sa globalité.

Macron, un programme économique réaliste mais socialement contesté…

Après avoir tenté à maintes reprises de réformer le système des retraites, ce thème économique revient au galop dans le programme de Macron pour sa proposition de second mandat. Le projet consiste à repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 ans à 65 ans, avec un étalement progressif jusqu’en 2034 à hauteur de quatre mois supplémentaires par an.

Cette décision trouve son fondement économique dans le vieillissement de la population. En effet, avec l’augmentation du nombre de retraités et un financement des retraites se faisant par les cotisations des actifs, le déficit du financement du système tend à s’accroître au fur et à mesure que le temps passe. Pour que ce déficit se résorbe, il faut mécaniquement que le nombre d’actifs augmente, qu’ils travaillent plus ou plus longtemps. C’est cette dernière option que le Président sortant a privilégiée dans son programme économique où le repoussement de l’âge de départ à la retraite a davantage pesé contre l’augmentation de la charge horaire hebdomadaire, où les 35 heures restent un acquis social intouchable.

Dans sa réforme, Emmanuel Macron prévoit un système de départ anticipé à la retraite en fonction de la longueur de la carrière et de la pénibilité de l’emploi effectué. Par exemple, des personnes travaillant dans les secteurs de la construction ou des transports pourront voir leur départ à la retraite avancé, de même que les personnes ayant commencé à travailler très jeunes. De plus, le minimum retraite à taux plein est prévu d’être porté de 1000 € à 1100 €, toutes les pensions étant revalorisées sur l’inflation.

Pour sa part, Marine Le Pen a décidé de maintenir l’âge de départ à la retraite à 62 ans alors qu’elle voulait précédemment le ramener à 60 ans. Une exception sera faite pour les personnes qui ont commencé à travailler entre 17 et 20 ans et qui pourront, eux, partir à la retraite avant 62 ans. Bien que l’âge de départ ne soit pas avancé, le problème du vieillissement de la population reste un problème irrésolu dans le programme économique de Le Pen.

Une autre mesure importante du programme économique de Macron est l’augmentation du plafond d’exonération de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Actuellement à 1000 € par salarié dont la rémunération est égale ou inférieure à 3 fois le SMIC et pour une entreprise de plus de 50 salariés sans accord d’intéressement, le plafond de la prime sera rehaussé à 6000 €. Cette prime présente plusieurs avantages à la fois pour le salarié et pour l’entreprise. Pour l’entreprise, cette prime sera exonérée d’impôts sur le revenu, de cotisations salariales et patronales et de contributions sociales. Pour le salarié, la prime est exclue des ressources pour le calcul de la prime d’activité et de l’allocation adulte handicapé.

En plus de la suppression de la taxe audiovisuelle qui apparaît dans le programme des deux candidats, le candidat de LREM veut améliorer le processus de redistribution des richesses en mettant en place un système de partage des profits plus équitable. En parallèle des dividendes aux actionnaires, chaque euro de bénéfice réalisé par une entreprise devra permettre de mieux rémunérer les salariés sous forme de primes, de participation au capital ou de plan d’intéressement.

Enfin, Macron tente de lier économie et écologie dans son programme en voulant confier à son futur Premier ministre la charge de la planification écologique. Annonce d’entre-deux-tours pour rallier les voix de Jean-Luc Mélenchon à sa cause dont le programme écologique reposait depuis le début sur cette même planification, le Premier Ministre sera appuyé de deux autres ministres. Un ministre de la planification énergétique sera créé pour accompagner la sortie des énergies fossiles. Un autre sera chargé de la planification écologique territoriale menant à la décentralisation de l’aménagement des territoires. Disposant d’une meilleure connaissance du terrain, le but de ce ministère est de rendre les compétences aux territoires en matière de transport, de rénovation des logements ou de réappropriation de l’environnement proche.

Débat d’entre-deux-tours entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le 20 avril 2022 (étudiant.figaro.fr)

Le Pen, un programme économique au financement bancal…

Chiffré à 68 milliards d’euros par an contre 50 milliards pour celui d’Emmanuel Macron, le programme de la candidate du Rassemblement National à la présidentielle est qualifié par le prix Nobel d’économie Jean Tirole comme étant un « programme dissimulateur et non financé ». En effet, les dépenses sont vraisemblablement sous-estimées et la réalisation des recettes semble peu probable.

Par exemple, Marine Le Pen fonde une partie de son programme sur l’optimisation de la gestion de l’immigration en France. En s’alignant sur les fondements de l’extrême droite, elle cherche à réaliser 16 milliards d’euros d’économie en supprimant, entre autres, les prestations sociales pour les immigrés, de même que l’aide médicale de l’État (AME) pour ces mêmes personnes. Cependant, la prise en charge des immigrés avec les aides mises à disposition n’a que peu d’impact négatif sur les finances de l’État « car les cotisations sociales de ceux qui travaillent compensent les coûts imputés à notre système de protection sociale » comme le souligne le prix Nobel d’économie 2014. De même, Le Pen souhaite économiser 8 milliards d’euros sur le fonctionnement de l’État, l’optimisation des administrations et des dépenses publiques liées.

Une autre mesure phare de son programme est la suppression de la TVA sur un panier de 100 produits d’alimentation et d’hygiène. Au-delà du fait que cette suppression signifierait un manque fiscal à gagner, la répercussion de ce changement de taux bénéficierait davantage aux entreprises de la grande distribution qu’aux consommateurs. En effet, selon le cabinet d’études économiques Asterès, le gain annuel des ménages serait seulement égal à 13 € par ménage. Ainsi, cette mesure tendrait à améliorer les marges des distributeurs plutôt que le pouvoir d’achat des ménages. Avec les 3,8 milliards d’euros engagés par Le Pen pour financer cette mesure, le cabinet d’experts estime que « si cette somme était directement versée aux 10 % des ménages les plus modestes, il en résulterait pour ces ménages un gain de pouvoir d’achat de plus de 10 % » (BFM Business). Dans le même objectif d’augmentation du pouvoir d’achat des ménages, une baisse de la TVA sur les énergies de 20 % à 5,5 % serait prévue.

Autre mesure fiscale importante de son programme, la suppression de l’impôt sur le revenu pour les personnes de moins de 30 ans suscite quelques doutes. Ainsi, en plus du problème de répartition de la richesse que la mesure pose car les personnes hautement diplômées à hauts revenus seraient aussi exonérées, un autre problème constitutionnel viendrait se superposer.

Par ailleurs, sa proposition de baisse des cotisations patronales à hauteur de 10 % est une mesure très contestée. Très justement souligné par le Président sortant lors du débat d’entre-deux-tours du 20 avril dernier, le gouvernement ne peut pas administrer les salaires des entreprises privées. Ainsi, la répercussion des 10 % des cotisations patronales n’est pas systématique sur les salaires des employés et dépend du bon vouloir des employeurs. La mesure n’est aucunement coercitive et requiert une révision profonde si un effet concret sur les salaires et le pouvoir d’achat des Français souhaite être observé.

Enfin, l’impact sur les marchés financiers de toutes ces mesures et de la possible élection de Marine Le Pen à la tête de la France doit être regardé avec attention. La remise en question des traités européens signés par la France et le risque de Frexit, Brexit à la française, devrait augmenter l’incertitude sur les marchés et de tous les acteurs économiques. La remise en question de l’Union européenne et de sa solidarité déstabiliserait l’Occident et pourrait amener les agences de notation à réviser les notations de l’État et des entreprises françaises. En effet, un programme économique insoutenable creuserait le déficit et augmenterait le risque de défaut ce qui engendrerait une baisse globale des cours et un arrêt des investissements étrangers sur le territoire.


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