Quels dangers pour la chine de xi Jinping ?


Par Mathilde Derambure

La Chine : deuxième puissance économique mondiale, phénoménale exportatrice, plus grande émettrice de brevets au monde. Dans les journaux ou les discours politiques, ce pays nous est présenté comme insubmersible, le Titanic de l’économie. Mais n’existe-il vraiment aucune faille dans cette économie qui semble toujours plus florissante ? Si cet article n’a pas vocation à illustrer tous les dangers économiques et financiers du marché chinois, vous y trouverez une analyse de ce que nous pensons être les principaux risques.

Les risques exogènes

Figure 1 : schéma illustrant les risques exogènes pour l’économie chinoise

La confrontation avec les États-Unis

Il faut tout d’abord savoir que la confrontation avec les États-Unis, issue de la guerre commerciale entre la Chine de Xi Jinping et les États-Unis de Donald Trump a eu des conséquences sur la confiance des multinationales dans le climat des affaires en Chine. Bien que le dirigeant américain ait changé, les tensions entre les deux pays restent toujours aussi vives, ce qui entraine quelques risques pour la Chine.

En effet, pour une puissance dont l’économie est fondée sur l’exportation, un conflit ouvert avec les États-Unis est dangereux. La dépendance aux marchés extérieurs à la Chine la rend ainsi vulnérable aux guerres commerciales étrangères car la croissance chinoise peut s’effondrer si elle ne peut vendre ce qu’elle fabrique. Le principale risque est ainsi de ne pouvoir vendre ses produits, ce qui engendrerait des problèmes de surcapacité et de remboursement des crédits voire des problèmes de défauts de paiement et de faillites.  

Le deuxième risque lié aux tensions avec les États-Unis vient du fait que beaucoup d’entreprises sont inquiètes de se retrouver prises en étaux entre ces deux superpuissances, dans ce climat qui n’est pas sans rappeler la Guerre froide. De plus en plus d’entreprises craignent ainsi une montée des tensions, qui mènerait à des difficultés de fabrication et/ ou d’exportation de leurs produits : il existe donc un risque certain de fuite des entreprises étrangères du pays en cas de trop grande escalade des hostilités.

Le climat concurrentiel issu de l’essor économique chinois

Aux difficultés engendrées par les relations avec les États-Unis se rajoute la concurrence née de l’essor technologique en Chine. De plus en plus d’entreprises étrangères se sentent ainsi concurrencées par des rivales nées dans le pays et favorisées par le gouvernement pour faire des affaires. L’exemple de l’entreprise Huawei est en cela très parlant. Ses grandes innovations sur la 5G l’ont posée en concurrente de toutes les entreprises occidentales du domaine.

La covid-19

Le dernier point ayant porté atteinte à la confiance des entreprises implantées en Chine est bien-sûr la Covid-19 puisque le contrecoup de la pandémie a mis en avant la fragilité des chaines d’approvisionnement. Lorsque les entreprises ont constaté leur dépendance et leur incapacité à les maitriser en temps de crise, un mouvement de questionnement a eu lieu sur l’intérêt de faire des affaires aussi loin : pour les entreprises européennes, beaucoup se demandent ainsi si l’Europe de l’Est ou le Proche Orient ne seraient pas moins risqués.

Les risques endogènes

Figure 2 : schéma illustrant les risques et menaces endogènes pour l’économie chinoise

Cependant, ces menaces exogènes et cette diminution possible de l’attractivité ne sont pas les seuls risques économiques en Chine. Il existe aussi des problèmes internes au système, et non négligeables. Depuis quelques temps, une tendance dangereuse semble ainsi se mettre en place.

Dépendance aux matières premières  

Le premier risque pour la Chine est lié à son indépendance énergétique. Ses besoins en matières premières sont liés à son modèle économique, mais représentent aussi une de ses faiblesses les plus importantes. Ainsi, pour pouvoir produire suffisamment dans le but de maintenir un taux de croissance élevé, d’énormes approvisionnements sont nécessaires, ce qui rend la Chine très dépendante des cours de matières premières.

Cette faille est particulièrement mise en relief aujourd’hui avec la hausse des cours de l’énergie, ce qui a provoqué une baisse de la production en Chine. Avec une demande mondiale de plus en plus élevée, les besoins énergétiques de la Chine ne peuvent être que croissants dans les prochaines années, ce qui rendra cette dépendance d’autant plus dangereuse.

Défaillance de l’immobilier et risque de crise financière

Evergrand, le géant de l’immobilier chinois, est aujourd’hui en crise, ce qui fait craindre aux marchés financiers le retour d’une crise immobilière d’une ampleur comparable à celle qui avait frappé les États-Unis en 2008. Cette entreprise, plombée par une dette de 260 milliards d’euros, avait lancé toute une série de chantiers de logements dans une politique de croissance intensive, portée par l’envolée des prix de l’immobilier. La particularité de son fonctionnement portait sur le fait que les Chinois achetaient leur appartement avant sa construction, permettant à l’entreprise de financer ces projets. Cependant, une politique de durcissement de l’accord des crédits a mis un arrêt brutal aux rêves de ce groupe. 

Ce parallèle avec Lehman Brothers, ajouté au fait que des quartiers entiers de villes étaient déjà construits avant cette bulle financière pour soutenir la croissance des entreprises de l’immobilier chinois a fortement impacté les marchés financiers qui craignent une contagion au reste de l’économie. Le spectre d’une crise financière assombrit ainsi le paysage économique chinois, constituant la deuxième des menaces que nous avons identifiées.

Consommation des ménages chinois faible

Le troisième danger vient pour nous de la dépendance de la Chine aux marchés extérieurs. Cette relation est liée à une demande intérieure trop faible pour soutenir la croissance chinoise. Le vieillissement de la population est ainsi un vrai enjeu pour l’autonomie et l’indépendance de la Chine.

Le gouvernement chinois avait tenté de stimuler la demande intérieure par une hausse des salaires (ce qui avait baissé la compétitivité chinoise) mais les incertitudes économiques et la faiblesse de la protection sociale avaient empêché les ménages de dépenser autant que l’espérait le gouvernement. Si une crise de la demande ou une baisse des achats de produits chinois se produisait sur la scène internationale, la croissance chinoise serait sérieusement mise à mal, et sans solution de secours immédiate.

Difficulté à changer de modèle

Le modèle chinois, bien connu de tous, repose sur un certain nombre de facteurs représentés ci-dessous :

Figure 3 : bref résumé du modèle économique chinois

Comme nous avons vu dans les points précédents, le modèle économique chinois a certes permis à la Chine de devenir la puissance que nous connaissons aujourd’hui, mais de nombreuses faiblesses sont aussi inhérentes à ce modèle. La dernière menace que nous avons identifiée porte sur le fait que le régime chinois aurait de grandes difficultés à changer de stratégie.

En premier lieu, parce que le secteur haut de gamme n’est pas encore assez performant en Chine : si de plus en plus d’entreprises travaillent dans les nouvelles technologies, le poids des importations dans les produits sophistiqués reste encore aujourd’hui très important. De plus, comme nous l’avons annoncé précédemment, la demande des ménages est trop fiable pour soutenir un changement de modèle. Cela limiterait tout d’abord les options pour la nouvelle stratégie de croissance, et il faudrait parier sur le marché mondial pour financier ce mouvement : démarche risquée. Pour terminer, si le gouvernement voulait changer de modèle, il se heurterait probablement à de puissants lobbies exportateurs industriels des régions côtières.  


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