Un métal en or


                Le samedi 9 décembre 2017, le Président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, a inauguré, à Houndé, une nouvelle mine qui produira 6 à 8 tonnes d’or par an. L’or est une matière première qui est toujours exploitée, même si une partie d’entre nous pense que c’est un métal dépassé. En effet, on associe souvent l’or aux pièces et aux lingots d’or que l’on thésaurise. Pourtant, l’or est non seulement une valeur refuge mais aussi un élément essentiel des différents systèmes monétaires, ainsi qu’une matière utilisée dans de nombreux produits comme les smartphones.

                 L’or est l’élément chimique de numéro atomique 79 et de symbole Au. Il s’agit d’un métal noble qui est un excellent conducteur thermique et électrique, et qui est très peu oxydable. Cependant, il est utilisé sous forme d’alliage afin d’être plus rigide car il est trop malléable à l’état pur. L’or est un métal qui a joué et qui joue encore un rôle majeur dans l’économie ; on peut légitimement se demander pourquoi et quel sera son rôle à l’avenir dans une économie en perpétuelle transformation.

                Il nous faut d’abord analyser le rôle de l’or dans une perceptive historique, puis interpréter la situation actuelle des réserves du métal précieux, et enfin comprendre les évolutions futures de cette matière première.

 

I Un petit rappel historique

                Pour commencer, il a existé différentes monnaies primitives comme les coquillages, les perles, les fèves de cacao ou les lingots d’or, mais les pièces métalliques se sont finalement imposées avec la création de territoires politiquement unifiés. En effet, la création d’une monnaie officielle permet à un souverain de marquer son pouvoir, faciliter le commerce sur son territoire et la levée de l’impôt. La plupart des monnaies ont utilisé des alliages d’or et d’argent créant des systèmes monétaires se fondant sur deux métaux distincts. Il y avait alors une certaine parité entre l’or et l’argent qui pouvait évoluer et être réajustée en fonction de l’augmentation quantitative de l’un des deux métaux. L’avantage de ces systèmes est qu’ils étaient garants d’une certaine stabilité. En effet, la valeur d’une pièce d’or est contenue intrinsèquement dans le métal qui la compose. Ainsi, tous les acteurs économiques pouvaient connaître la valeur réelle d’une monnaie et comparer les pièces des différents pays en fonction de la quantité d’or ou d’argent qu’elles contenaient. L’autre grand avantage est que les souverains ne pouvaient pas fabriquer de nouvelles pièces s’ils n’avaient pas d’or ou d’argent à transformer. Ainsi le nombre de pièces en circulation, ce que l’on appelle la masse monétaire, restait assez stable. Par conséquent, les prix restaient eux aussi stables.

                Néanmoins, les systèmes monétaires fondés sur l’argent et l’or, ou seulement l’or, présentaient un certain nombre de défauts. Le premier d’entre eux est que l’économie est dépendante de la quantité d’or disponible. En effet, s’il n’y a pas assez de monnaie disponible les échanges économiques se font plus difficilement et l’économie est ralentie. Autrement dit, si les commerçants et les acheteurs n’ont pas de trésorerie alors ils repoussent leurs achats et donc les artisans et les fabricants repoussent leur production. L’autre situation est le cas contraire, un afflux massif de métal précieux peut déstabiliser une économie. L’exemple le plus connu est celui de l’Espagne du XVIe siècle. Lorsque l’Espagne colonise le nouveau monde, elle s’accapare une grande partie des richesses de ce continent, à commencer par l’or. L’afflux massif d’or en Espagne a conduit les Espagnols à acheter de nombreux produits en Europe pour les importer. En effet, de manière générale, les Espagnols avaient plus d’or que les autres Européens et avaient donc comparativement plus de pouvoir d’achat. La conséquence principale de cette situation fut une augmentation générale des prix et une diminution de la production en Espagne.

                On constate donc que l’or présente des avantages mais n’est pas une valeur assez stable sur le long terme. On peut ici citer Karl Marx dans la Critique de l’économie politique « Nous avons vu que l’or et l’argent ne peuvent pas satisfaire à la condition qui s’impose à une monnaie : garder une grandeur de valeur constante » Le système qui a longtemps perduré fut le gold standard qui se fondait sur l’or. Il offrait l’avantage au marché d’autoréguler les échanges entre les Etats. Lorsqu’un Etat a une balance déficitaire vis-à-vis d’un autre Etat, c’est-à-dire qu’il lui achète pour plus qu’il ne lui vend, alors il lui donne de l’or. La balance est donc rééquilibrée et cela a pour effet de déprécier la monnaie locale. Par conséquent, ses produits sont moins chers par rapport aux produits étrangers et les exportations augmentent. Finalement, sa balance commerciale devient excédentaire et on lui rend son or et le cycle continue ainsi. Après la Seconde Guerre mondiale et les accords de Bretton Woods, les monnaies du monde libre ont une parité fixe avec le dollar américain qui a lui-même une valeur de 1/35e d’once d’or. Indirectement, toutes les monnaies étaient fondées sur l’or. Ce système offrait aux États-Unis d’Amérique la possibilité de s’endetter facilement auprès de ses alliés car ils étaient obligés de placer leurs dollars à la FED. La décision de Nixon de mettre fin aux accords de Bretton Woods et de suspendre la convertibilité du dollar en or a illustré les limites de ce modèle. Depuis ce jour, les monnaies sont cotées les unes par rapport aux autres. On appelle cela le régime de changes flottants.

II Le poids économique de l’or

Depuis 1976, l’or ne joue plus officiellement un rôle central, pourtant de nombreux Etats possèdent encore d’importantes réserves d’or à l’image de la Banque de France qui possède 2 435 tonnes d’or*. Les banques centrales ont pour rôle de gérer la politique monétaire d’une monnaie. Elles augmentent la masse monétaire en prêtant de l’argent aux banques privées ou en rachetant des obligations d’Etat. Afin de stabiliser leur monnaie, chaque banque centrale garde des monnaies de réserve comme le dollar américain ou l’euro. Cela leur permet de garantir la valeur de leur monnaie ou de racheter leur propre devise lors d’attaque spéculative. Toutefois, les banques centrales gardent l’or comme valeur refuge. D’ailleurs les banques centrales chinoise et russe augmentent leur réserve d’or ces derniers temps. D’après le World Gold Council, la Russie possèderait plus de 1 700 tonnes d’or et en aurait acheté 201 en 2016. La Chine a augmenté ses réserves d’or pour devenir le quatrième pays possesseur d’or derrière la France toujours d’après le World Gold Council. Ces achats d’or montrent la volonté politique de ces pays de limiter le poids du dollar américain dans leur politique économique.

                L’or est une matière première cotée sur les marchés financiers. Les bourses de Londres et New-York sont les plus influentes. Néanmoins, il faut se méfier des marchés financiers car ils s’appuient sur des produits financiers qui ne sont pas toujours liés à des réalités matérielles. En effet, il existe l’or papier, un produit financier qui s’apparente à un certificat donnant droit à l’obtention d’or physique. L’objectif de ce produit financier est de pouvoir vendre de l’or avant de l’avoir réellement, c’est-à-dire vendre la promesse de livrer l’or. Ainsi il est possible de spéculer sur l’or sans en avoir car l’or papier n’est presque jamais réclamé physiquement. Certains acteurs vendent de l’or papier et le rachètent plus tard lorsque le prix a baissé, ils font ainsi une plus-value sans n’avoir rien produit. Ce type de pratique, sans compter le poids des grandes banques et des Etats, rend ce marché difficilement appréhendable pour un petit porteur sur le court terme. Au contraire, un investissement sur le long terme est plus facile à faire car l’or est une valeur refuge.

                Il y a différents pays producteurs qui sont répartis sur l’ensemble du globe comme l’Afrique du Sud, la Chine, l’Australie, la Russie, le Canada, le Pérou ou le Ghana. Quelques-uns ont une certaine tradition de l’exploitation de ce métal quand d’autres en ont une exploitation plus récente. La production d’or s’accompagne de différents effets sur l’ensemble des pays producteurs en fonctions de leur position antérieure. Dans le meilleur des cas, l’exploitation de l’or permet la création de richesse et le développement économique. L’or offre la possibilité de gagner de l’argent qui peut être réinvesti, mais il peut aussi faire venir des capitaux de l’étranger et des compétences techniques nécessaire à son exploitation. Le Kazakhstan est un pays qui a su profiter de ses richesses minières comme l’or, le gaz naturel et le pétrole pour développer le pays et lui donner un poids économique et politique de première importance en Asie centrale. Ainsi l’or peut être une opportunité, mais dans d’autres situations il semble être une véritable malédiction. En effet, la richesse attire la convoitise et l’argent pour financer les armes et les conflits. La situation actuelle à l’est de la République Démocratique du Congo s’explique par la richesse de son sous-sol. L’or de la région du Kivu finance les guérillas, et est une source de conflit qui alimente les trafics avec le Burundi voisin. De la même manière, l’extraction de l’or favorise la destruction de la nature. Les mines à ciel ouvert défigurent les paysages, et l’utilisation du mercure a de grave répercussion sur la faune et la flore comme on peut le constater en Amazonie.

                III L’importance de l’or aujourd’hui

                Il y a dix compagnies qui contrôlent la majorité de la production d’or mondiale : elles sont canadiennes, sud-africaines, australiennes, américaines et russes. Elles ont un ancrage territorial comme Polyus Gold, une compagnie russe qui possèderait la deuxième plus importante réserve d’or du monde. Elles ont aussi une vision globale afin de penser leur stratégie, comme la compagnie Barrick Gold qui a investi dans différentes régions du monde. Elle a investi en Amérique (Canada, EUA, Mexique, Pérou, Chili, Argentine), en Australie, au Mozambique et en Arabie Saoudite, car cela permet de diversifier les sources d’approvisionnement. Ainsi, s’il y a un changement politique, comme le déclenchement d’une guerre ou la nationalisation des outils de production par un dictateur, la compagnie sera moins affectée et pourra rebondir.

                L’or est souvent associé à la joaillerie car les bijoux mettent en avant les pierres et les métaux précieux. Il existe différents types d’or de joaillerie : l’or jaune est composé de ¾ d’or, de 1/8 de cuivre et 1/8 d’argent, l’or gris de ¾ d’or et ¼ d’argent et l’or rose de ¾ d’or, 1/5 de cuivre et 1/20 d’argent. Les bijoux en or sont un marqueur culturel car les hommes musulmans ne peuvent pas porter d’or alors que les Chrétiens portent une alliance en symbole de leur mariage. L’or est également utilisé dans d’autre secteur d’activité comme les nouvelles technologies. C’est un excellent conducteur qui permet d’augmenter la performance des circuits électriques. Selon Le Figaro, Apple aurait récupéré une tonne d’or en recyclant des iPhones et des Mac en 2015. En médecine, l’or est contenu dans certains médicaments sous forme d’auranofine.

                Il est difficile d’estimer les réserves mondiales d’or car la plupart des réserves d’or ne sont pas recensées, et on ne peut pas faire confiance dans les chiffres donnés par les institutions. En effet, les chiffres ont une visée politique et économique ; par exemple il est de notoriété publique que les statistiques chinoises sont peu fiables. Or la Chine est le premier producteur d’or selon les statistiques, et il est très difficile d’estimer la proportion d’or qui n’a pas encore été découvert. Néanmoins, on peut penser que l’augmentation du pouvoir d’achat dans les pays en développement accroîtra la demande sur l’or. Par exemple, les Chinois ont l’habitude d’acheter des bijoux en or pour les évènements importants de la vie ou pour le nouvel an, car dans leur culture l’or est censé apporter une bonne fortune. Selon le World Gold Council, 82% des chinois estiment que les bijoux en or sont un placement.

                Pour finir, l’or est un métal qui a encore de beaux jours devant lui. Il a l’avantage d’être présent sur tous les continents en assez grande quantité tout en restant un métal précieux. En effet, la quasi-totalité des hommes ont déjà vu de l’or et ont pu en posséder. Les différentes utilisations de l’or nous laissent penser que le cours de l’or connaîtra de nouvelle hausse dans quelques années. De même, le rapport de l’homme à l’or s’inscrit dans une histoire longue. En effet, l’or n’est pas seulement un métal aux propriétés recherchées présent en quantité limitée sur terre. C’est aussi un métal jaune et brillant qui nous rappelle le soleil, la lumière et la chaleur du feu. Il exerce une véritable attraction et nous l’association à des idées positives comme la richesse, le luxe et l’élégance.

 

 

 

 

*d’après le site de la Banque de France

https://www.banque-france.fr/la-banque-de-france/patrimoine/lor


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